Le cadeau d'anniversaire.
Puisque vous êtes en ligne, laissez-moi vous conter cette histoire vraie qu'il faut savoir lire entre les lignes.
Il était une fois un petit garçon qui s'appelait Pierre et qui avait un an de plus chaque année vers la même époque.
Les années changeaient au rythme que vous savez, et ses parents ne surent bientôt plus quoi lui offrir pour son anniversaire car il avait déjà tout ce qu'un petit garçon peut désirer.
Une année, ils lui offrirent une ligne.
Petit Pierre regarda cette ligne en se demandant ce qu'il pourrait bien en faire. On lui avait dit que l'on pouvait faire un million de choses avec une ligne, selon la ligne dont on disposait.
C'est qu'il y a des tas de lignes différentes : des lignes aériennes, des lignes flottantes, des lignes téléphoniques, des lignes de fond, etc. etc. mais celle qu'on lui avait offerte était toute simple. C'était une ligne banale et droite, ce qui offrait beaucoup de possibilités et lui permettait de donner libre cours à son imagination.
Enfin, il avait sa ligne et il n'avait déjà plus besoin d'aller à la pêche. Il la posa sur son bureau à côté de son cahier d'école et réalisa que ce dernier était plein de lignes prisonnières qui ne pouvaient pas bouger. D'ailleurs, sa main aussi était pleine de lignes qui n'en sortaient jamais. Celle qu'on lui avait offerte avait l'avantage d'être libre.
Libre, mais banale.
Plus il y réfléchissait, plus il se rendait compte que ce n'étaient pas les lignes qui manquaient autour de lui. Finalement, il en voyait partout et son professeur n'était pas le dernier pour en distribuer aux mauvais élèves.
Comment pouvait-il se faire que le professeur en donne cent aux mauvais élèves pendant que lui n'en n'avait eu qu'une seule à l'occasion de son anniversaire ? Cette ligne devait avoir quelque chose de différent, voire d'extraordinaire, mais il avait beau la regarder, il ne lui trouvait rien de spécial, à part sa couleur indéfinissable.
Il avait entendu parler d'une ligne bleue quelque part, de lignes rouges, vertes, noires, jaunes ou blanches, ces dernières étant particulièrement dangereuses, mais celle qu'on lui avait offerte n'avait aucune de ces couleurs ou toutes à la fois.
Il en conclut qu'il pourrait la franchir, la couper, la croiser, la dessiner, la dépasser, la copier, la lire, la sauter ou la tendre. Il pourrait même se mettre dedans ou se placer dessus, ce qui lui permettrait de la mordre, de reculer ou de se tromper.
Il décida par conséquent de ne pas en changer et de la garder.
Mais comme il n'était pas payé à la ligne comme certaines grandes personnes, il l'oublia. Et un jour, elle tomba de son bureau et se brisa.
Une ligne brisée marche beaucoup moins bien, évidemment.
Heureusement, petit Pierre avait une intelligence hors ligne et décida de se tracer sa propre ligne.
On dit qu'aujourd'hui, il la suit toujours et qu'il est pilote de ligne.
Le Zeph'
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