Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 00:30

L’atelier du photographe
(Premier tableau)

 

Sur la scène : une chaise. Un drap soyeux et froissé est posé négligemment sur son dossier et glisse lentement à terre, comme s’il était retenu dans sa chute par un fil invisible. Dans le fond, une grande glace voisine avec une plante verte du genre philodendron qui s’est lancée à l’assaut du plafond mais perd une à une ses feuilles pendant toute la durée du spectacle. Côté jardin, une porte bâille – un peu – et laisse entrevoir un lit défait. Côté cour, une fenêtre ouverte sur des volets fermés. Au sol, un tapis bariolé, mais dont les dessins sont à demi effacés.

Un homme entre par une porte que le public n’avait pas vue. À côté du miroir, elle était dissimulée par un rideau de velours de la couleur de la tapisserie.

Il va jusqu’à la chambre et jette sur le lit, depuis la porte, son manteau.

 

– Tant pis ! Je n’ai plus le temps de ranger ! Voyons… (Il compulse son agenda avec fébrilité. Le carnet tombe à terre.) Et Merde ! Elle a déjà plus de dix minutes de retard !


Il ramasse l’agenda, le feuillette à nouveau.


– J’avais bien dit neuf heures !

 

(C’est alors qu’il constate qu’il manque quelque chose dans son atelier.)

 

– Eh merde de merde de merde !

 

(Il soulève la soierie qui vient d’achever sa glissade et gît lamentablement sur le sol. Rien !)

 

– Mer… (L’homme scrute le public, comme s’il s’apercevait seulement de sa présence.)… credi ! Vous étiez là ? Déjà ?

 

Il retourne à la chambre, récupère son manteau tout dégoulinant de pluie. Il s’approche ensuite du devant de la scène et se penche sur les spectateurs du premier rang.

 

– Vous n’avez pas peur de l’eau ?

 

Il fouille minutieusement ses poches… puis celles de son pantalon après avoir envoyé le manteau sur une dame qui le rejette et s’ébroue en hurlant :

 

– Mais on n’a pas idée !

 

Sa voix ressemble à s’y méprendre au cri d’un chat échaudé. Lui, il répond entre les dents, ses mots sifflent avant d’enfler et d’emplir toute la salle.

 

– Idée ? Vous en avez peut-être, vous, des idées ?
C’est terrible ! Horrible ! Épouvantable !
Oui… je vous le dis, à vous ! Épouvantable ! Monstrueux ! Catastrophique !
J’ai perdu…

– Quoi ?

 

La dame est montée sur scène et se sèche les cheveux à l’aide d’un immense mouchoir blanc à carreaux bleus.

L’homme écarquille les yeux devant tant d’audace.

Elle a un aplomb incroyable !

Il est vêtu d’un jean éraillé et d’une blouse de peintre, très ample, parsemé de taches colorées qui révèleraient à un public averti d’autres passions.

 

– Alors ? (Insiste la femme plus doucement.)

– J’ai perdu… en fait, non, on m’a volé, j’en suis certain !

– Mais quoi donc ?

– Mon alter ego, mon unique raison de vivre, ma survie… mon appareil photo numérique !

– Ah ! (Elle semble déçue. Elle aurait préféré autre chose. Qu’il eût perdu son génie ou sa muse.) C’est tout ?

– Vous ne savez rien ! Il est unique ! On l’a fabriqué pour moi, il est adapté à ma main, à mes yeux, il pèse juste le poids nécessaire pour ne pas s’envoler en cas de coup de vent…

– Force 8 ?

– Ne plaisantez pas ! Ce sont des choses graves ! Il serait impossible de m’en procurer un autre, même si je le voulais !

– Oh ! C’est à ce point ?

– Oui… et plus encore ! Il vaudrait des millions !

– Et, bien sûr, vous ne les avez pas ! Dommage…

– Pourquoi ?

– Parce que… (La femme a le regard rieur de celui qui sait tout de la fin de l’histoire mais ne la dira pas avant l’heure.)

– Mais… (Il se tourne vers le public, comme pour rechercher un appui, une approbation.) C’est qu’elle se moque de moi ! Si ça tombe, c’est elle qui me l’a volé !

 

Il se jette sur elle. Le rideau tombe.


Fin du premier tableau.

 

Quichottine

http://www.quichottine.fr

 

 

Publié chez Quichottine le 2 février à l'adresse suivante :


http://quichottine.fr/2014/02/le-photographe-1.html


Partager cet article
Repost0
29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 10:52

                                                              « Le monde à la baguette »

 

-« Une grosse boule bleue… une bien belle planète cette Terre ! » se disait Dieu.

Assis sur son tabouret, - d’ailleurs entièrement réalisé en os de mammouth et sculpté par un des plus grands designers de la planète Saturne -  , il réfléchissait, grattait sa barbe, méditait…

Ce n’était pas un jour comme les autres. Il savait qu’un  astéroïde  allait s’abattre sur la Terre mais il était impuissant. C’était un combat de l’intérieur qu’il fallait mener. Il fallait déléguer.

-«  Pas le choix, pas le choix… »  disait -il à haute voix en faisant les cents pas dans son salon en trainant ses pantoufles. Pantoufles d’ailleurs réalisées tout en poil de mammouth par un des plus grands couturiers de chez Jupiter .

«  Un femme d’astéroïde vexée, il ne faut pas la prendre à la légère ! ». Elle avait apparemment surpris son mari dans la trainée d’une comète  et l’avait menacée de changer de trajectoire, pour enfin s’écraser sur la première planète qui aurait le malheur de se trouver sur son chemin.

La rumeur avait fait le tour. D’ailleurs, ce n’était plus une rumeur.

Dans ces cas là l’urgence vous fait prendre ce qu’il ya sous la main. Dieu le savait… il faisait des boulettes avec son plaid, - plaid dernier cri d’ailleurs réalisé en fourrure de mammouth par un des plus grands fourreurs  de chez Neptune – mais il le savait, il fallait s’en remettre aux fées.

Aaah les fées…, ce ne sont pas des anges, elles ont  leurs  p’tits  défauts  mais elles seules peuvent agir de l’intérieur. Allez, c’est décidé, Dieu prit  son téléphone, - d’ailleurs entièrement réalisé en … euh, non … ça c’est un Saint qui lui a ramené d’un célèbre magasin de meubles suédois. Faut pas croire, Dieu a aussi ses petites faiblesses  -, donc oui, Dieu prit son téléphone, racla sa gorge comme pour prendre de l’élan et écouta  le message d’accueil patiemment : «  Bonjour, vous êtes bien au service des  fées, la magie à votre écoute, coûte que coûte, ne quittez pas.

-          Oui, allôôô ? Service des fées, bonjooour !?

-          Oui, bonjour, c’est moi !

-          Qui ça moi ?! vous vous prenez pour qui ? Dieu ?! Le centre du Monde ?!

-          Ben oui, c’est moi !!!

-          Ah, pardon… je  vous avais pas reconnu !

-          Pas grave, passons. Il ya plus urgent dans l’instant !

-          Mais enfin, que se passe t-il ?

-          Une tragédie !  A côté les grecs sont des petits joueurs ! Une «  Madâââme »   astéroïde s’est emballée, problème de couple à l’horizon et elle menace de tout faire péter. Elle fonce actuellement tête baissée sur la planète bleue pour mettre fin à sa vie. Vous seules les fées pouvez y aller et agir de l’intérieur  pour éviter ce drame.

-          Et les Anges ?

-          Non, leur magie s’annule une fois passée l’atmosphère. Ils souffriraient d’une allergie à la pollution, un truc comme ça ….

-          Et les Saints ?!

-          Non plus… leur magie est super limitée ! Quelques intuitions par-ci par-là, des fleurs qui poussent sous le bitume quand ils marchent en centre ville, mais rien d’extraordinaire. Et puis… depuis qu’ils ont accidentellement  omis de passer en caisse un téléphone planqué sous leur aube, ils ne sont pas vraiment bien vus.

-          Bon, il ne reste que nous si je comprends bien ?!

-          Voooilàààà !

-          Ca va être difficile. Le service des fées est dans tous ces états en ce moment ! J’ai des fées au chômage  technique car elles ont cassé leur baguette, d’autres qui protestent car elles estiment avoir droit à la retraite au soixantième miracle, une dizaine en arrêt maladie car elles ont soi-disant une allergie au nouveau matériau des baguettes ..

-          .. Aaah... , pour ça vous devriez essayer l’os de mammouth, c’est vachement bien, anallergique, résistant et…

-          Bref, c’est la crise, Bondieu, c’est la crise !

-          Il y en a bien une dans le lot…

-          Oui, il ya la fée Aglaé …, c’est pas un de nos meilleurs éléments mais du coup elle est disponible.

-          Partons pour Aglaé !

-          Quelles sont les directives ?

-          Cette nuit  un astéroïde s’abattra sur la planète bleue. Sa mission est d’y pénétrer  et de former une bulle de protection tout autour la rendant ainsi imperméable à toute offensive. L’astéroïde n’y verra que du feu, foncera tête baissée et s’y cassera les dents !

Fin de l’histoire !

 

La fée Aglaé en fut informée et accepta non sans crainte mais elle y voyait là la promotion de sa vie. Dix points miracle en une mission, ça ne se refuse pas !

La mission se transforma en une vraie expédition.

Elles ont bien des qualités les fées : une bienveillance sans limite, un sens de l’écoute irréprochable, une douceur sans pareille … mais ont aussi des défauts.

La fée Aglaé était particulièrement coquette, c’était son talon d’Achille. Le temps était compté mais elle ne pouvait partir à la hâte. Un peu de poudre de paillette par-ci, des escarpins en verre par là, un chapeau à étoiles fluorescentes, une robe en mousseline incrustée de pierres de lune, du rouge à lèvres en pigments naturels de la planète Mars…  la liste était longue !

On frappa à la porte :

-          Aglaé ! La porte du Ciel vient de s’ouvrir , le départ est imminent !

-          J’arrive, j’arrive ! je ne vais tout de même pas partir en haillons !

 

Quelques minutes plus tard, c’était une Aglaé toute fière et toute apprêtée qui courrait d’un équilibre incertain vers la porte du Ciel,  sur ses hauts talons perchés. En quelques secondes elle se trouva propulsée sur la Terre.

 

-          Franchement… atterrir  ici ! Ils auraient pu mieux viser ! En France, certes mais dans la capitale de la Mode au moins ! Mais là… un champ de vaches dans le Loir-et-Cher, merci du cadeau ! Bref, j’ai du pain sur la planche, mettons nous à l’œuvre. Voyons voir… mon livre de magie, ma poudre à baguette et … et ? …et ??? …et !!! … Oooh, la boulette, le boulette ! c’est la boulette du millénaire celle-là ! J’ai oublié ma baguette ! Mais comment ai-je pu ?! C’est affreux.

La fée fut prise d’une panique sans pareille. Commet pourrait-elle vivre cette journée sans elle ? Cette dernière journée.

Elle arracha son chapeau de colère, le piétina avec ses chaussures de verre, se cassa un talon, laissa tomber son sac dans une bouse de vache et pleura tellement qu’elle fit couler tout son maquillage. C’était la fin, elle était fichue et la planète bleue aussi.

 

Puis elle se dit en son fort intérieur : « allez, allez, souviens toi Aglaé, ne pas baisser les bras, ne pas baisser les bras ! L’entraide est mon seul recours, il faut que je trouve une âme charitable. Hey ! Vous là-haut vous  pourriez pas m’aider ?! Pfff, j’te jure ! »

 

Et voilà, notre belle Aglaé sur un tracteur. Son accoutrement sur le bord d’une route de campagne fut vite remarqué par un paysan qui passait par là. Il avait un accent étrange, les joues rouges et regard limite libidineux mais c’était mieux que rien.

-          « Voilà, ma p’tite Dame, vous êtes arrivée au centre ville. Peut-être  pourront-ils vous aider ici. Ils ont pleins d’outils modernes. Apparemment ils peuvent communiquer avec le monde entier en appuyant sur un bouton. Bonne chance ! »

La fée Aglaé fit une entrée remarquée dans le bureau de poste .Elle commença à raconter toute son histoire et au début tout le monde rit aux éclats. Le village était partagé entre l’emmener aux urgences psychiatriques ou y croire. C’est qu’à la campagne on est un tantinet superstitieux et on aime bien les légendes urbaines. Alors on l’écouta jusqu’au bout et une poignée de téméraires décidèrent de l’aider.

 

-          Ecoutez fée Aglaé, nous n’avons pas de baguette magique mais nous avons des idées ! »

-          Dites, toujours … au point où nous en sommes !

-          Voilà…  pourquoi pas diffuser votre histoire sur internet ?

-          C’est quoi ça ?!

-          C’est un merveilleux moyen de communication ! Votre histoire pourra être lue de tous en quelques secondes !

-          Ah, c’est donc ça ! Essayons toujours, foutus  pour foutus …

 

Et c’est ainsi que l’histoire abracadabrantesque de la fée Aglaé se  retrouva sur le blog d’Azacamopol .

Il ne reste plus qu’a vous, chers lecteurs, de mettre un peu de poudre d’étoiles dans vos yeux et de magie dans votre cœur pour croire en cette histoire, certes quelques peu originale mais ô combien importante.

 

Alors, n’oubliez pas, la fée Aglaé attend votre aide avant minuit, caché de la poste faisant foi.

 

 

 

Carole.S

 

 

 

Partager cet article
Repost0
23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 16:41

La musique enchantée.

 

Eric adorait la musique. Petit déjà, il rythmait les chansons de ses pieds et mains. Ses yeux s'émerveillaient, tout son corps bougeait avec la musique. A peine eut-il l'âge d'écrire, son premier stylo en main, de magnifiques paroles pleuvaient en multiples textes qui évoluèrent dans le temps au gré de sa maturité. Il accompagna le tout de magnifiques mélodies à la guitare. Il était très doué. Seulement il avait un problème : sa voix. Elle était enrouée, stridente, fausse...Il avait beau la travailler maintes et maintes fois, même avec les meilleurs coach, rien à faire. Chaque fois qu'il chantait les gens partaient en courant en se bouchant les oreilles, les poils hérissés. Les chiens se mettaient à hurler à la mort, les vitres se brisaient...Le pauvre en était vraiment malheureux il voulait tellement devenir chanteur !! Mais là n'était pas son seul talent, il possédait un immense QI et un jour trouva une solution à son malheur : il créa un petit appareil qu'il pouvait moduler à sa guise pour que sa voit devienne aussi magnifique que possible. Il suffisait juste d'une petite boîte carré et d'une petite languette qu'il plaquait sous sa langue et le tour était joué. Le résultat était tel que les gens se battaient pour le voir, ils en devenaient hystériques, tout le monde se l'arrachait, il avait des fans jusqu'au bout du monde !! Personne n'était au courant de son petit secret.

Il avait toujours son appareil sur lui, jamais il ne le quittait sauf le soir pour aller se coucher, l'ayant toujours à porté de main au cas où. Mais un jour il fut dérangé en pleine nuit. Son manager l'appelait pour une urgence, un concert privé pour une personne très riche dont les exigences et les excentricités étaient connues de tous. Il était attendu très tôt le lendemain et son avion, déjà réservé, partait dans 3h. Il avait donc très peu de temps pour se préparer. Dans sa hâte, il en oublia son appareil. Arrivé là bas, on lui présenta les lieux, le propriétaire, on lui expliqua ce qu'il avait à faire : il devait faire parti de la fête incognito lors d'une soirée improvisée, une surprise pour sa fille qui fêtait ses 18 ans et qui était fan de sa musique sans jamais avoir eu l'occasion d'aller à un de ces concert. Aucune répétition n'était prévue, c'était du live total. Son groupe le rejoindrait dans  la soirée. Vint le moment du concert, l'ambiance était plutôt calme, les gens, un peu snob et coincé n'avaient pas l'air facile à contenter, la critique avait l'air de rigueur. Il se prépara et chercha son appareil. Ne le trouvant pas, la sueur, la panique commença à le submerger comment pourrait il vivre cette soirée sans lui ? Impossible de chanter sans cet appareil ce serait une catastrophe !! Vu la catégorie du public il allait se faire lyncher, ridiculiser, décrédibiliser, sa réputation en prendrait un sérieux coup !! vous vous imaginez le plus grand chanteur de tous les temps qui trafic sa voix ? L'arnaque totale !! Il ne savait comment faire pour se sortir de ce guêpier !! il ne pouvait plus faire machine arrière. Tout le monde était là à attendre sa magnifique prestation l’œil exigeant !! que pouvait il faire ? Il tenta bien d'avertir le propriétaire qu'il avait un problème, il inventa n'importe quelle excuse, mais il n'en eut que faire il voulait qu'il chante il était payé pour ça, c'était les 18 ans de sa fille et lui faire plaisir était tout ce qui importait. Si il partait il serait grillé dans sa profession. Il n'eut donc pas le choix, il se mit en place et la mélodie commença et il commença à chanter et à sa grande surprise sa voix fut aussi magnifique qu'avec son appareil, il en fut si surpris qu'il eut un blanc et repartit de plus belle !!! Incroyable plus besoin d'appareil il pouvait chanter librement un vrai miracle !! Même les plus coincés et difficiles à contenter de la soirée furent éblouis par son concert !! Et lui reçu le magnifique cadeau et la fierté d'avoir pu chanter en live sans artifice !!

 

Anne D.

 

cree-anne.overblog.com

Partager cet article
Repost0
23 janvier 2014 4 23 /01 /janvier /2014 16:36

                        

La relève

 

 

Dolusine jeune sorcière, de qui on attend beaucoup et pour cause, Crapougnasse et ratbougris ont déjà bénéficié de ses précieux bienfaits.

Petite et douce, le visage rempli de tâches brunâtres, ce qui lui donne un certain charme  sait regarder, écouter, et proposer ; contrairement à sa grand-mère, replète et acariâtre dont tout le monde se plaignait.

C’est pourtant à son contact qu’elle a appris  ces formules permettant de soulager, voir soigner. ; seulement elle ne peut encore toutes les retenir. Elle les a donc écrites sur de petites fiches de différente couleur correspondante à chaque potion.

En début de séance, elle pose un cadre qui renferme la photographie de sa grand-mère aujourd’hui disparue.

 Cela dit- elle, l’aide à méditer et entrer en communication avec elle.

Très subtilement, elle y dissimule une de ses fiches contenant la formule magique. Un autre héritage de sa grand-mère :- celui de pouvoir lire  au travers des photographies.

Son amie Agaline sourde et muette est seule à partager son secret.

 

On l’attend chez le père Piedfourchu, plus aucun son ne sort de sa bouche, cela le rends très nerveux et de plus, son visage est recouvert de grosses pustules. Sa femme lui a préparé un bouillon de bieraubeurre que la petite sorcière lui avait donné quelques jours avant et ce, pour le calmer. Il y a là, son frère,  il est venu en curieux. Tous les deux l’attendent.

 Agaline est  là aussi blottie dans un coin comme à l’accoutumé.

Dolusine entre dans la pièce, il y fait un peu sombre, quatre bougies sont allumées sur deux tabourets. Elle salue tout le monde, jette un œil vers  son  amie et pose son sac sur la Table.

Elle  en sort quelques objets divers, sa pensine et un flacon de bubobuls, puis fouille au fond de celui-ci l’air agacée !!!

Et là, on entend  des brides de mots incompréhensibles ;ragnabousa,   alpagnaga ,alagonsa…..  Soudain elle porte ses mains à sa bouche comme pour refouler tout ce charabia. Elle se gratte le cuir chevelu, trépigne sur place, pousse de  petits cris de chien battu, se contorsionne avec un visage défait.

La femme et le frère l’observent avec des yeux ébahis, mais pour autant ne disent mots.

Son amie Agaline la regarde, s’étonne de ce comportement inhabituel. Que se passe t-il ?  A cet instant même, elle comprend.

« Comment pourra t-elle vivre ce moment sans elles »

Cela dure près de quinze minutes, puis elle reprend  ses esprits, et retrouve son calme.

 Elle verse plusieurs gouttes du flacon, y ajoute une racine de bistorte et quelques feuilles de salsepareille, puis écrase le tout .S’approche du vieux bonhomme, insuffle  son visage, le frotte avec ce mélange et lui glisse quelques mots à l’oreille.

En pensant très fort à sa grand-mère.  «  Peut-être l’aidera t-elle !! »  En tout cas elle veut y croire, elle tente le tout pour le tout.

 

Le silence……une atmosphère pesante….. Et la magie opère

.

Le père Piedfourchu regarde sa femme, ses lèvres s’articulent et il en sort un chapelet de mots décousus.

Qu’à cela ne tienne, la petite sorcière  est apaisée, elle reviendra demain et appliquera la bonne formule liée au langage.

 

Elise

Partager cet article
Repost0
19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 14:48

Qu'est-ce que tu as ?


Jouer, qu'est-ce qui peut être plus important dans la vie d'une toute petite fille que jouer ? Sautiller, gambader ? Habituellement j'étais gaie et gracieuse en public, mais pas ce jour-là.

Je me souviens qu'il faisait beau, et sûrement chaud. Ma mère nous avait fait la même robe à toutes les deux. Elle était toute souriante lorsqu'on lui disait qu'elle avait une adorable petite sœur. De quelle couleur était cette robe, je ne m'en souviens plus du tout, de sa forme encore moins, mais je sais que je l'aimais bien moi aussi.

Je me revois sortant de l'appartement et traversant le couloir jusqu'aux boites aux lettres, ma mère à une main et à l'autre un joli panier bleu clair en plastique ajouré : on prendra le courrier au retour a dit ma mère.

Elle ouvre la porte de l'immeuble et une certaine fraîcheur me tombe dessus. On remonte la rue Rouget de Lisle jusqu'au boulevard Victor Hugo et on arrive devant les premiers étalages. Ma mère me tire un peu par le bras, j'ai du mal à avancer. Les commerçants disent bonjour, demandent poliment des nouvelles, on me propose comme souvent une mandarine ou quelques dattes, mais je reste de marbre. Ma mère papote avec les voisines. Je lui tire la robe, mais elle ne veut pas s'occuper de moi : qu'est-ce que tu as ? Et je ne réponds rien. J'ai du mal à marcher, je sais que tout le monde me regarde et se moque de moi, je ne veux qu'une chose : rentrer à la maison !

Enfin, le supplice s'achève, on redescend le boulevard Victor Hugo, on reprend la rue Rouget de Lisle et on arrive au n°1. Ma mère pousse la porte de l'immeuble et je me faufile à toute vitesse jusqu'à la porte de chez nous. Là, je serai en sécurité.

Qu'est-ce que tu as ? redemande ma mère alors que je pleure à chaudes larmes ? Elle ouvre la porte et c'est dans un gros sanglot de colère et de désespoir que je l'accuse : tu as oublié de mettre ma culotte !

Comment a-t-elle pu me faire vivre une matinée pareille ?

 


Pasfrévin

 

http://les.jeudis.de.pasfrevin.over-blog.com/

Partager cet article
Repost0
17 janvier 2014 5 17 /01 /janvier /2014 17:05

La clé

 

J’ai oublié ma clé

Dans un coin retiré

Clé donnant des ailes

à ma ritournelle.

Je ne peux  donc entrer

Et chanter et danser.

Comment vivre sans elle

Et sans mon violoncelle

Ouvrir mon grand carnet

Y tirer quelques traits

Implorer dieu du ciel

D’un don providentiel.

Vide de ma portée

Rien à y accrocher.

Soudain un arc en ciel

Dans la nuit : le soleil.

Clé de sol arrimée

Notes vont se presser

 


Martine

 

http://quaidesrimes.over-blog.com.

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2014 1 13 /01 /janvier /2014 17:13

Le Capitaine s'en est allé.


Madelaine se lève, les paupières collées, le visage barbouillé. Elle est encore entre deux mondes, un pied sur le parquet et l'autre au pays des songes. Le saut du lit est comme à son habitude, il rafle la belle au déjeuner.

Dans sa salle de bain la lumière des néons est cruelle. Ses bouclettes de rouquine accentuent son teint blafard. Rien à faire, constate t-elle. De toute façon elle le sait, elle n'a jamais été belle du moins pas comme la plupart des gens l'entendent. La beauté d'aujourd'hui est bien trop stricte, à contrario Madelaine est bien trop généreuse.

Assise dans sa cuisine, le nez à quelques centimètres du mur jauni, elle avale d'une traite un café chaud -trop chaud- et rend hors d'usage son estomac pour un bon bout de temps.

Emmitouflée dans une parka qui tasse davantage son allure, elle claque sèchement la porte de son appartement. Madelaine se dirige vers le seul endroit où elle se sent vivre : son atelier.

Elle descend dans la rue qui est étrangement calme d'un silence surréaliste. L'hiver est maître du temps, sa température glaciale absorbe tous les sons. Une fois le petit monticule de neige balayé, elle passe le pas de son havre de paix.

Dans le local, ancien garage qu'elle a obtenu pour une bouchée de pain, s'entasse tout son bric-à-brac de marionnettiste. Au milieu de ce fouillis, Madelaine se sent infiniment rassurée. Ses décors et personnages l'enveloppent d'une aura bienveillante.

Dans quelques heures elle animera ses marionnettes devant deux-cent personnes. Jamais elle n'avait eu autant de monde pour une seule représentation. Elle est pétrifiée. La scène et son petit théâtre mobile sont déjà chargés dans le camion. Si elle est ici, dans son atelier, c'est pour commencer son petit rituel. Avant chaque spectacle elle répète avec lui les mêmes mouvements. Lui, son premier fantoche : le Capitaine.

Il est assis devant elle, posé sur un coffre. Madelaine marque un petit temps, elle le regarde. Bien qu'elle ait recommencé cette étape plusieurs fois, les yeux peints du capitaine s'étirent vers le bas. C'est comme ça, se dit-elle. Le Capitaine est triste. Il y a des choses que l'on ne peut expliquer.

D'un geste sûr, Madelaine s'avance pour saisir la croix d’attelle de sa marionnette. Elle tâtonne, cherche frénétiquement. Elle devrait se trouver là, raccordée à ce bon vieux Capitaine.

Le vide tiraille son ventre mais elle insiste. Elle retourne le pantin dans tout les sens. En quelques secondes l'évidence s'impose : la croix d'attelle a disparu. Les liens de son personnage fétiche sont rompus. Sans le mécanisme de contrôle, le capitaine n'est qu'une poupée de bois. Madelaine suffoque. Comment pourrait-elle passer cette journée sans lui ? Pire, comment pourrait-elle envisager sa vie sans lui ?

Le capitaine l'accompagne depuis aussi loin que remonte sa mémoire. C'est sa première création. Avec lui elle a appris son art, celui de manipuler, d'éveiller ses personnages. Au fil des ans, sa maîtrise et son jeu d'actrice se sont affinés sur le Capitaine. Il est devenu une prolongation d'elle même. Sur scène lorsqu'elle l'anime, ses mouvements sont fluides, presque enchantés au point qu'elle ne sache plus avec certitude qui de lui ou d'elle dirige. C'est le travail de tout une vie qui a façonné, tissé ce lien inextricable.

Madelaine n'en détient plus tout les secrets. Il lui faudrait une autre vie pour retrouver cette union, la parfaite connexion entre le manipulateur et le manipulé. Le Capitaine lui a insufflé la passion, l'envie de créer et l'inspiration. Sans lui elle est perdue, incapable de jouer la moindre scène.

Comme un vielle dame elle s'écroule sur le sol en tenant son bonhomme de bois dans ses bras. Déformé par la tristesse son visage se mue. Une boule d'angoisse parcourt son corps et jaillit du coin de ses yeux. Les larmes dévalent ses joues, floutant ses taches de rousseur. Le Capitaine, son ami s'en est allé en emportant avec lui un morceau de Madelaine.



C.B.Moore

http://les-pensees-nomades.over-blog.com

Partager cet article
Repost0
8 janvier 2014 3 08 /01 /janvier /2014 21:56

Par l’ouïe, on dit !

 

Dans les couloirs, toute la troupe profitait de l’explosion monumentale du comédien. Sa voix tonitruante risquait d’atteindre la scène si personne n’y mettait fin. Le directeur du théâtre se précipita vers la loge, frappa et entra.

- Calme-toi Gérard! Tout le monde profite de tes vocalises. Que se passe-t-il ?
- Ce qui se passe ? répondit-il sans baisser une minute le ton, c’est un scandale, un complot, une catastrophe, un typhon, un tsunami, la fin du monde !  Cette godiche de maquilleuse me l’a égarée, nettoyée, avalée ! Que sais-je moi ! Je ne monte pas sur scène ce soir, débrouille-toi avec le public !

- Impossible ! Le ministre de la culture est là.

- Qu’il aille au diable ! Et toi avec ! Je ne monte pas sur scène.

La maquilleuse toute ratatinée dans son coin, se ratatina encore plus sous le courroux terrible du regard de l’acteur. Le directeur lui demanda ce qu’elle avait perdu pour le mettre dans cet état. Elle répondit faiblement entre deux hurlements du comédien, qu’elle ne l’avait pas vue hier soir après la séance, qu’elle ne l’avait pas avalée, elle le jurait se protégeant le visage face au bras brutal qui se leva sur elle puis retomba tout comme le corps lourd s’affala sur la chaise face au miroir. Il ne grondait plus, sa voix s’était soudain affaissée tristement, son reflet arborait la même détresse. Il ferma les yeux puis bondit à nouveau, son gros corps envahissant l’espace, la petite se cala dans le coin le plus reculé, le directeur blêmit. Mais il était enfin muet, seules ses mains dansaient au-dessus de la tête, misérables et  déconcertées. Il murmura sinistrement : je ne joue pas ce soir ! Impossible ! Je n’ai pas mon oreillette !

- Oh ! Mais ce n’est que ça ! dit soulagé le directeur, je vais t’en trouver une.

- Non! Tu ne m’en trouveras pas ! Celle-là est unique, faite sur mesure, transparente, idéale, la beauté même, mon intime, ma secrète, ma seule amie contre ma mémoire qui défaille, déraille, déraisonne. Ne comprends-tu pas que je ne peux accepter de la trahir, de porter à la vue de tous une infâme oreillette sombre qui aura moisi dans l’oreille d’un âne ?   Je ne peux monter sur scène sans elle. Impossible ! Inimaginable ! Impensable!

- Tu ne vas pas décevoir un illustre parterre, Gérard ! Tu connais ton texte depuis le temps, j’en suis sûr ! Et Louis sera dans le trou, il soufflera si besoin est.

– Louis ! Grand ciel ! Louis en ouïe ! Tu me désespères ! Tout me désespère ! Adieu Titus ! Adieu Bérénice ! Adieu Racine ! Je vous quitte.

 

 

Polly


L'écrit conjuré.

Partager cet article
Repost0
6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 21:11

Il s’en est  fallu de peu !!



                Depuis quelques mois, je peaufinais le texte que je devais exposer lors de la  première réunion de l’année.
                C’était aussi une première pour moi !
                Dans le nouveau groupe que nous voulions proposer, mon élection a été unanime.
                Jeune,  ayant une belle diction et surtout des idées tout à fait nouvelles pour porter au pinacle cette organisation dont je défendais de tout cœur  les causes,  j’étais le représentant au sein de ce nouveau groupe le plus représentatif.
                Une secrétaire, Josette,  m’a été officiellement attachée. Nous nous réunions deux fois par semaine dans le local de la fédération. Bien que bénévoles, les réunions de travail très sérieuses, l’un et l’autre nous nous sentions très impliqués  dans ce travail d’équipe.
                Feuillets après feuillets le discours se composait, que je tentais d’apprendre par cœur.. Les feuillets dans mon esprit n’en étant que le support.
                Ma famille me soutenait dans mes efforts et était très fier de cette promotion pour moi qui pouvait naturellement me propulser dans un monde d’avenir.
                Mon grand père avait eu une charge importante au siècle dernier,  la famille avait conservé  précieusement son « Marocain ». Sacoche de cuir ancien,  de très belle facture, que ma grand-mère avait remis en forme, ciré,  brossé ce sac avait à nouveau fière allure, et mon aïeule était elle-même si fière de faire revivre l’outil qui avait été indispensable à mon grand père dans sa vie.
Elle ne voyait pas « comment son petit fils pourrait commencer une carrière sans cet objet précieux »
                Un dernier regard à ce discours, une dernière déclamation dans le local.
                Josette, la secrétaire est là remets les feuillets dans l’ordre..  la sacoche est sur le bureau.. un appel me fait m’éloigner.
                Il est l’heure de se rendre dans la salle.. où je suis attendu.
                Je demande à Josette de m’apporter la sacoche…
Monsieur le Maire est là, les organisateurs du mouvements m’entourent..
Sourires.. Applaudissements,  les drapeaux claquent
Je monte sur l’estrade fleurie.. je pose le « Marocain » sur le bureau.. avec application,  je tente de faire sauter le petit cliquet… j’ouvre.. Et horreur … le Marocain est vide du dossier si bien préparé !
                Je me lève blême.. Les mains moites et je commence à débiter… des fadaises qui me viennent par vagues et pas spécialement dans l’ordre…
                Sans aucun doute,  c’est bien  là que m’a carrière politique  s’est interrompue.


 

M’mamzelle Jeanne


endirectdechezmoi.over-Blog.com



Partager cet article
Repost0
6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 21:07

Putain de Vietnam

 

 

C'était pendant cet hiver, un de ceux qui font les choses bien, qui transforme la ville en glace à la chantilly. Avec mon nez enrhumé aussi rouge qu'une braise au fond de son barbecue, j'avais l'impression d'être la cerise sur le gâteau.

 

Toujours est-il que je divaguai dans la poudreuse que les habitants avaient chassé de leurs portes d'entrée, ramenée avec une bienveillance évidente sur le trottoir. La seule chose qui brûlait avec intensité dans cette ville était probablement mon pied gauche.

Mon chien, une sorte de veau consanguin croisé avec un renard des sables, avait gentiment fait ses dents dans la semelle de mon après-ski spécialement acheté pour déambuler dans ce paysage cotonneux. Au lieu de me croire sur les nuages du Paradis, j'avais un pied dans les flammes de l'Enfer.

J'aurai pu faire demi-tour jusqu'à l'appartement mais ma flemme légendaire et le fait que j'étais à mi-chemin de mon boulot m'en dissuada.

 

Penser à autre chose, oublier la douleur, réorienter mon cerveau. Je gratte le bras, il paraît que ça marche avec les boutons de moustiques. Ça ne marche pas.

Mon boulot, tiens en voilà une autre de préoccupation. Je suis médecin généraliste, d'ailleurs ce n'est pas le froid qui m'a enrhumé mais bien cette gamine hypocondriaque. Le cancer du nez n'a jamais été aussi contagieux et virulent.

Médecin donc, arrivé au cabinet j'allais devoir affronter un tas de personnes inquiètes, paranoïaques, irresponsables. Et puis d'autres qui s'en foutent. Dans la salle d'attente, le silence sera absolu, on ne sait jamais les maladies peuvent être très volatiles. Tous se contenteront de lire des magazines bien plus sains que l'air ambiant. Au moment d'ouvrir la porte, tous se tourneront vers moi, avec, au choix, des yeux de biche, de chien battu, ou de chat qui chie.

Puis j'écouterai, j'ausculterai, rassurerai et prescrirai quelques pastilles placebo à la plupart d'entre-eux.

 

Mon pied devenu bleu me rappelle à l'ordre au moment où je franchis la porte du cabinet. La chaleur soudaine me dilate deux ou trois veines du pied et je me mets à boiter de plus belle, direction le vestiaire.

J'enfile donc mon déguisement de trompe la mort et lace mes chaussures de toubib. L'une moins que l'autre à cause du pied gonflé. Je constate les divers rendez-vous rajoutés du week-end, prends quelques notes, prépare le papier sur lequel les patients viendront s'imaginer chez le psy pendant que je leur prendrai la tension, puis me dirige vers la porte de la salle d'attente.

Au moment de poser la main sur la poignée imbibée de microbes, mon œil est attiré par un objet sur ma gauche. La secrétaire, Thérèse, une femme plus large que grande, les seins posés sur le clavier d'ordinateur me regarde désespérément pendant qu'elle explique difficilement au téléphone que non, l'aspirine n'est pas une bonne idée quand on vient de s'ouvrir le crâne, même si on a mal à la tête.

Mon regard à moi se pose sur le stéthoscope d'or encadré au dessus de la pré-retraitée. J'avais remporté ce trophée après avoir soigné un patient atteint de la grippe aviaire croisé du syndrome du chikungunya. Mais cela importe peu puisque je ne l'ai pas, ni la maladie, ni mon stéthoscope personnel.

Je retourne rapidement dans mon bureau, fouille les tiroirs à la va vite, rien. Impossible de mettre la main dessus. Mon confrère du bureau à côté à besoin du sien et le budget aussi pauvre que ma villa secondaire ne nous permet pas d'en avoir en rechange. Et j'ai rendez-vous dans moins d'une minute...

 

Faisons sans, j'appelle la première patiente. Je ne sais pas qui a rédigé mon planning mais je suis tombé sur le seul problème pulmonaire de la journée.

Je me retrouve donc face à une grande blonde au corps tellement siliconé qu'on en tirerai une immense flaque rose si on l'exposait à la canicule de l'été dernier.

Après m'avoir expliqué brièvement sa gène dans la poitrine, je lui demande de s'installer sur le lit empaqueter de papier toilette pour grandes fesses, puis m'approche.

Par acquis de conscience et surtout pour retarder le moment crucial je lui observe les oreilles puis lui enfonce le bout d'un magnum en chocolat dans la bouche après avoir lutter contre ses lèvres XXL. Jusqu'ici tout va bien. Tension. Le brassard autour de son bras se gonfle doucement puis je cale mon doigt entre son intérieur de coude et le caoutchouc.

Je décèle une tension de 18-3 mais n'en dis rien. Avec une telle précision sans stéthoscope rien ne sert de s'affoler. Je lui demande finalement de respirer fort par la bouche puis colle mon oreille sur son dos, je n'entends rien et je peux, même de dos, voir ses yeux écarquillés.

Je passe devant elle puis pose ma tête sur ses seins, cette fois j'entends bien quelque chose, mais uniquement lorsque sa main s'abat sur ma joue d'une telle violence que j'en tombe par terre.

C'est alors que se produit une chose à laquelle je n'avais pas pensé, elle se jette sur moi, me chevauche, m'embrasse de ses lèvres hippopotamesques et danse la carioca sur mon ventre. Ayant fini son affaire, elle tousse, propulse des glaires sur le bureau et s'assoit, les poumons en feu.

Tout en essayant de remettre ma blouse et de tenir tant bien que mal sur mes jambes, je lui prescris des patchs à la nicotine en lui indiquant le problème. J'encaisse l'argent qui lui aurait probablement servi à s'offrir des fesses toutes neuves puis la remercie professionnellement.

Je regarde l'heure, 9h20, la journée promet d'être longue.

 

Midi passé, je ressors du déjeuner avec deux pots de yaourt vides et un fil à rôti emprunté à celui que je viens d'engloutir. Déterminé à ne plus me faire chevaucher, frapper, insulté et à essuyer les plaintes de mon confrère à cause du bruit, je décide de me fabriquer un stéthoscope artisanal en recréant l'ancêtre du téléphone.

C'est ainsi que pendant tout l'après-midi je peux avoir des conversations tout à fait incroyables sur la digestion avec des boyaux barbouillés, parler de l'avenir avec deux fœtus qui se battent en duel, et assister au feu d'artifice du 14 juillet avec une appendice arrivée à saturation.

 

A l'heure de la délivrance, je balance ma blouse éprouvée dans mon casier, prends mes après-ski sous le bras, hèle un taxi, pressé de rentrer chez moi, repaye une fesse au conducteur, introduit la clé de l'appartement dans la serrure, habille le porte-manteau, puis m'écroule sur mon lit.

 

C'est au moment d'ajouter du poivre dans la soupe que mon veau-renard de clébard se pointe en hurlant, emmêlé dans mon stéthoscope, la semelle de mon deuxième après-ski accroché à une canine. D'une façon qui ne connaissait que trop bien, mon chien m'avait fait vivre la pire journée de ma vie et il continuait encore au moment où j'allai essayer de reprendre quelques forces. Un rire nerveux me prit, lequel me fit m'écrouler au sol carrelé qui m'accueillit avec la tendresse d'un homme battant sa femme.

 

Ce soir là, le constat était simple, j'avais laissé sur le carreau mon pied gauche, mon nez, et mon amour propre.  

 

 

 

 

Clément MEIGNEN.

 

 

et-crie-ta-vie.over-blog.com/


Partager cet article
Repost0

Nous

  • : Le blog d' azacamopol
  • : Le blog a été ouvert le 24 janvier 2008. Jusqu'au 1 mars 2017, Azalaïs, Lilousoleil, Polly et Quichottine vous y ont proposé des jeux d'écriture en toute simplicité.
  • Contact

Bienvenue

L'inspiration de Fragonard

La consigne a retrouvé sa place dans les pages, module de droite.

 

Avez-vous pensé à offrir un petit texte de présentation à la Petite Fabrique d'écriture afin de figurer dans liste de ses membres ?

Rechercher

Important

Important !

 

Depuis le 1er mars 2017, les nouvelles publications sont effectuées sur notre nouveau blog.

Le nouveau blog a été supprimé le 19 août 2020 sans sauvegarde, j'en suis désolée.

Si vous désirez que les texte parus sur Wordpress soient de nouveau publiés ici, vous pouvez me les envoyer à l'adresse habituelle.

Merci !

 

Nos "annales" continueront à être publiées sur ce blog, à raison d'une publication par mois.

 

Merci.

Archives

Jouer avec les mots


Vous avez envie de vous amuser avec les mots ?
Vous aimez écrire à partir de jeux, de thèmes, d'images et
vous n'osez pas vous lancer ?
La Petite Fabrique d'Ecriture vous convie à ce un moment de détente.
En toute simplicité, venez jouer avec les mots selon
une consigne donnée, à laquelle vous participez ou non selon votre envie
et votre inspiration.
Rien n'est obligatoire sinon s'amuser.