Donne-moi
« Donne-moi ci, donne-moi ça ! »
(Réclamait l’enfant de sa petite voix un peu trop aiguë.)
Il exigeait en oubliant le mot magique qui aurait mis les adultes en condition d’accepter. Et où est donc le "s’il te plaît" ?
Il apprit à attendre, à moduler ses demandes, à les formuler autrement.
« Donne-moi… s’il te plaît. »
Ce n’était plus un ordre mais une prière. On y accédait parfois, et parfois non. Il acceptait sans plus rien dire les limites données à ses envies, celles qu’on lui imposait.
Le temps passait et l’enfant grandissait.
« Donne-moi… »
Prière silencieuse de l’adolescent qui réclamait un regard, un sourire, un mot peut-être, différent de ceux qu’on lui adressait. Des ordres, des conseils… mais où était l’amour ?
« Donne-moi… »
Il aurait voulu être mieux dans sa peau. Ne plus sentir le manque que ces "donne-moi" ne savaient pas éviter.
Il finit par ne plus rien demander, par ouvrir seul, une à une, les portes qu’on avait fermées devant lui. Il découvrit ses propres limites en franchissant les interdits.
Il était adulte désormais. Il se passerait de ce que d’autres pourraient lui apporter !
Il changea de rôle, et de demandeur se mua en celui à qui l’on demandait.
« Donne-moi ci, donne-moi ça ! »
(Réclamait l’enfant qui avait comblé le vide de sa vie.)
C’est alors seulement qu’il sut que le refus peut être une preuve d’amour.
L’eau qui s’écoulait de ses mains ouvertes était le temps qu’il n’avait pu retenir, la preuve aussi de son impuissance.
Saurait-il un jour expliquer à l’enfant que, même avec un "s’il te plaît", tout n’est pas toujours possible ?
Quichottine
http://quichottine.over-blog.com
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