Roselyne et le rosier
La petite fille l’avait planté un jour, en plein milieu de l’allée.
Elle avait tenu bon lorsqu’il s’était agi d’en déterminer la place. Ce serait là et nulle part ailleurs.
Elle avait expliqué qu’il ne servait à rien d’avoir un si joli rosier si c’était pour le mettre dans un coin où personne ne le verrait.
Sa mère avait souri puis elle l’avait aidée à l’installer dans ce parterre inespéré.
Le rosier avait grandi, comme la petite fille. Il avait pris de l’ampleur et l’on devait maintenant en faire le tour pour continuer son chemin et ne pas s’y piquer.
C’était comme la jeune fille qu’elle était devenue. Il fallait mieux la connaître, l’apprivoiser, pour ne pas recevoir de ces piques acérées qu’elle envoyait de temps à autre à ceux qui la tançaient. Elle n’avait jamais accepté de sacrifier sa liberté, fusse pour se fondre parmi les autres et se trouver des amies.
Elle s’était épanouie, comme les roses du rosier. On enviait sa beauté, mais aussi, sans se l’avouer, la façon qu’elle avait d’être toujours présente où et quand il fallait.
Elle n’avait jamais voulu qu’on déplaçât son rosier.
Adulte, elle avait transformé l’allée en la faisant contourner de part et d’autre ce rosier majuscule qui continuait à grandir comme un arbre, ce rosier inévitable que l’on apercevait depuis la grande grille qui fermait le jardin.
Il se couvrait de roses au printemps, de grandes roses d’un blanc immaculé.
Elle passait de longs moments à le contempler, depuis sa fenêtre, ou très près, sur un banc qu’elle avait installé pour mieux lui parler.
C’est à lui qu’elle avait confié ses chagrins d’enfant, ses premières grande peines. C’est à lui qu’elle posait les questions qu’elle ne pouvait plus poser à d’autres. Et il lui répondait, du moins elle le croyait.
Les années avaient donné ensuite à ses cheveux la couleur des pétales des roses de son rosier.
Elle continuait à lui raconter d'autres peines, qui n’étaient plus les siennes. Elle venait, clopin clopant chaque soir pour admirer les reflets que le soleil couchant déposait sur les immenses fleurs de cet arbre incroyablement grand.
Et puis, un jour, Roselyne ne vint pas.
Au milieu de l’allée d’un jardin déserté, il ne resta qu’un arbre, un rosier géant où chaque jour, d'avril à novembre, une rose pleurait.
Quichottine
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