L’œuf géant de Lapin Grichapoulozeudor
- « Il court, il l’appelle, Lapin, Lapin… »
- Oh ! Non, pas encore Alice !
- Mais ce n’est pas Alice ! Tu n’écoutes pas bien : j’ai pas dit Lapin Blanc… et j’ai pas dit « elle », j’ai dit « il ».
- Ouais ! bof ! j’en ai marre des histoires de lapins, de chats et princesses.
- Tu veux quoi ? Je te laisse dormir ?
- Je veux une histoire avec des monstres et des grands méchants Dracula.
- Et cette nuit, tu fais des cauchemars ? C’est ce que tu veux ?
- Bon, okay ! Va pour le lapin blanc.
- « Donc, il court et crie : Lapin, Lapin. Mais le Lapin est déjà loin, et Piero s’essouffle à courir dans la forêt. Pourtant il est grand ce Lapin, il devrait le voir encore, mais il a disparu, ou alors c’est qu’il a changé de couleur. De gris, il est devenu noir. Piero connaît bien sa forêt, et retrouve vite sa cabane écureuil, haut perché, peut-être que de là-haut il verra le Lapin. »
- Ah ! C’est comme la cabane des vacances ?
- Oui.
- Celle avec la corde pour monter ?
- Je continue ou tu me racontes la suite ?
- Okay, va pour la suite !
- « Piero grimpe l’échelle en corde et de la terrasse de sa cabane tente d’apercevoir son lapin géant.
- Tu m’avais pas dit qu’il était géant ! Il aurait pas dû le perdre de vue alors !
- Merlin ! Je peux continuer ?
- Oui, papa, mais t’es pas très fort pour les histoires.
-« Mais pas de lapin géant en vue. Piero est déçu, il entre dans la cabane et s’allonge sur sa couche. Cependant, il entend des bruits de grignotage pas très loin, il sort et se trouve nez à nez devant la tête de son lapin. Il lui dit : « mais où étais-tu, je te cherchais partout ? » Le lapin ne répond pas, il mange. Piero s’aperçoit qu’il a les yeux bleus. »
- Un lapin aux yeux bleus, c’est pas un lapin, tu racontes n’importe quoi !
- Merlin. Je vais me coucher, tu me fatigues. Demain tu me raconteras la suite.
- Non, papa, promis, je me tais.
- Alors tente d’être un peu imaginatif toi aussi. « Le lapin gris aux yeux bleus mange et ne répond pas aux questions de Piero qui en est fort mécontent. Et pourquoi tu ne réponds pas lui demande-t-il. Le lapin gris s’exclame agacé qu’un lapin ne sait pas parler. - Hé ! Mais que viens-tu de dire ? s’exclame Piero étonné, tu dis qu’un lapin ne parle pas et tu parles ! - Je parle parce que tu me casses les oreilles et j’aimerais que tu te taises un quart d’heure. Tu auras une surprise de taille si tu le fais. Piero n’a pas l’habitude de se taire, mais il promet, puis il demande quand il saura que le quart d’heure est passé car il n’a pas de montre. - J’en ai une, dit le lapin gris, tais-toi maintenant. Piero se tait, il serre les lèvres parce qu’il a plein de questions à poser, bien sûr ! Un lapin qui parle, qui connaît l’heure, qui a une montre, il n’en a croisé que dans les contes, en particulier celui d’Alice au pays des merveilles. C’est si long un quart d’heure, on a le temps d’observer cet étrange animal, ses narines qui palpitent, ses yeux tout ronds qui semblent ne rien fixer. On aurait envie aussi de caresser ce poil doux. Piero se retient, son père lui a mille fois répété qu’on ne touchait pas un animal sans sa permission. Il soupire, les secondes deviennent des heures. Il entend le léger bruit des feuilles au-dessus de lui, il ne quitte pas des yeux les moustaches qui remuent au rythme de la mastication, il reste si concentré, si immobile ce lapin ! Puis doucement les paupières de Piero s’alourdissent, il tente de résister mais le sommeil est le plus fort. Il s’endort. »
- Ah ! Et alors, la surprise ? Comment il va savoir s’il s’endort ?
- Toi, tu ne sais pas tenir un quart d’heure sans parler, Piero au moins l’a fait.
- Pa, s’il te plaît, c’est quoi la surprise ?
-« Quand Piero se réveille, le lapin a disparu. Il n’en revient pas ! C’est un menteur, s’écrie-t-il. Où est ma surprise ? Alors il descend l’échelle en corde et court dans la forêt, il arrive à la rivière, une barque l’attend, il s’installe et la laisse dériver, elle a l’air de savoir où elle va. Elle accoste sur une petite plage de galets de toutes les couleurs. Comme c’est beau ! dit-il tout haut. Il suit un chemin bien tracé entre de gigantesques tilleuls et s’arrête devant une construction très blanche, très haute, on dirait un œuf, pense-t-il, un œuf géant… Mais où est mon lapin gris ? Alors une porte s’ouvre, ou plutôt s’abaisse comme un pont levis et Piero entre dans l’œuf.
- Et après ?
- Après c’est une autre histoire. Il faut que tu dormes aussi. Dans l’œuf, il se passe tellement de choses que ça peut prendre beaucoup de jours, beaucoup de nuits avant que tu n’en aies fait le tour.
- Mais tu triches ! Tu n’as même pas une fin ! Je vais pas pouvoir dormir, moi !
- Oui, mais si je te raconte la suite, tu ne vas pas dormir non plus. Alors on se calme, je te promets, tu auras la suite demain matin.
- Promis ?
- Promis.
Le lendemain matin, Merlin se lève dès potron-minet, ses parents dorment encore. Il soupire, puis s’assoit dans le salon et appuie sur la télécommande de la télé. C’est alors qu’il voit l’image de l’œuf géant, une porte qui s’ouvre comme dans l’histoire de son père. Mais il se passe quelque chose qu’il ne comprend pas : l’image sort de l’écran, le pont levis sort de la télé. Il en est tout ahuri ! Ça fait un grand escalier qui vient jusqu’à lui. Il se frotte les yeux. Il doit dormir encore ! Mais non, la première marche est là devant ses pieds, à un centimètre et demi. Il hésite, se frotte à nouveau les yeux et entend un gentil rire qui vient de la télé. Un jeune garçon lui fait signe de venir. Il grimpe dans l’écran.
- Tu en as mis du temps pour arriver, je t’attends depuis des heures ! Je m’appelle Piero, et toi ?
- Merlin.
- Comme l’enchanteur ! C’est parfait. On va bien s’amuser, tu vas voir. Mais d’abord il faut que je te présente à Lapin Grichapoulozeudor.
- Mais où on est ?
- Dans l’œuf aux mille histoires, mais les histoires, on ne te les raconte pas, tu les vis, tu as d’immenses frayeurs et d’immenses bonheurs, c’est géant !
Merlin n’est pas tout à fait rassuré mais il suit Piero dans le labyrinthe et tout à coup, la coquille devient transparente.
- Oh ! On voit la mer
- C’est que tu avais envie de la voir, lui dit Piero.
- Tu la vois aussi ?
- Oui, et sur la barque, Lapin Grichapoulozeudor nous attend. Ne perdons plus de temps, viens.
Polly
http://lecritconjure.blogspot.fr/