Un oubli fâcheux.
Assis derrière une table il regardait avec effarement tous ces gens qui se pressaient, s'agglutinaient, devant lui.
Mais comment pourrait-il vivre cette soirée sans...
- Votre livre est formidable, je l'ai lu d'une traite ! Comptez-vous écrire une suite bientôt ?
- Chut ! (Il baisse la voix) c'est encore un secret, surtout n'en dites rien à personne, mais c'est en cours. À qui dois-je faire cette dédicace ?
- Marguerite.
- Oh quel joli nom !... Et tout en écrivant : "Pour une jolie fleur..." Il essaye désespérément de se souvenir de la chute de son roman.
Pourvu qu'aucun de ses lecteurs, qui se pressaient là, ce soir, sous ses yeux, ne lui pose de questions !
Il commence à transpirer, il ne se sent pas très bien. Ce n'est pourtant pas la première fois qu'il participe à ce genre de soirée. Il a l'habitude.
ils et elles, sont tous fous de ses écrits. Et puis il n'a pas beaucoup de mérite car écrire ne lui demande pas trop d'efforts. Il lui suffit de laisser son imagination s'envoler.
Par contre, être assis là, dans cette librairie, obligé de trouver un mot gentil, un brin d'humour, une nouvelle dédicace, à chaque livre vendu, lui semble bien au dessus de ses forces, ce soir.
J'ai la mémoire qui flanche, ce n'est pas croyable, je ne me souviens plus si j'ai tué mon héroïne ou pas. C'est sûr, je commence à perdre la boule. A force d'inventer des intrigues rocambolesques j'ai le cerveau tout embrouillé. Mais bon sang,l'ai-je tuée oui ou non ?
Je peux quand même pas leur demander. Et feuilleter les dernières pages, là, sous leurs yeux, non, c'est impensable.
- C'est pour mon fils, Jérémy, qui adore vos livres !
- Il écrit quelques mots, se souvenant qu'il ne voulait pas la tuer, son héroïne mais que finalement...
- Vous savez, ce qu'il a le plus aimé, mon fils, dans votre livre,je ne sais pas si vous allez me croire, mais c'est la chute !
Poupsan