
Au milieu de la gare
Dans son ventre bruyant
A l’éclairage blafard
De ses panneaux géants
Se tient un petit homme
Son bagage à ses pieds
Figé stupéfait comme
Le souffle coupé
Au milieu de la gare
Dans sa lourde grisaille
Pressés d’être en retard
En vacances au travail
Se bousculent les gens
Sans même s’excuser
Le menton en avant
Et le corps affolé
Au milieu de la gare
Dans son odeur d’acier
Suffocant tintamarre
De trains entrecroisés
Un ilôt d’amoureux
Sort de cette folie
Se tenant par les yeux
Sans bouger ils sourient
Au milieu de la gare
Dans son temps implacable
Décidant les départs
Comme un mot sur la table
Dans un moment de grâce
Se glisse un entrechat
Des fillettes qui passent
En sautillant de joie
Au milieu de la gare
Dans son manège sans fin
Les arrivants s’égarent
Et se lèvent des mains
Sur les quais monotones
Aux grands regards d’horloges
Ne se voient plus personne
Chacun en lui se loge
Au milieu de la gare
Je regarde ce chien
Qui mendie un regard
Comme d’autres du pain
Il gêne le passage
Semble attendre son maître
Son retour de voyage
Pour lui faire une fête
Au milieu de la gare
Toute zébrée de sons
De cris et de mouchoirs
D’espoir ou d’abandon
Je cours vers le soleil
Je fuis ce territoire
Comme un mauvais réveil
Je pars sans crier gare…
Claire Fessart