Parano, moi ?
Paranoïaque lui ? Mais non, cela il ne l'admettra jamais. Maniaque, à la rigueur, mais qui ne l'est pas ? Tout est question de nuances, pense-t-il. Oui c'est vrai il aime la propreté : sur lui bien sûr, mais chez lui aussi. Et il en devient pénible. Mais à son âge, on ne peut plus changer, alors autant se faire une raison.
Sa femme, c'est tout l'inverse. L'ordre, la propreté ce n’est pas son rayon. Elle le laisse dire, le laisse faire.
Finalement c'est bien commode, un mari comme Fernand, à la retraite en plus ! Elle a décidé, pour éviter les disputes, dit-elle, de le laisser gérer la maison. A lui enfin de : balayer, aspirer, serpiller, astiquer, briquer, laver, étendre, ranger et surtout enlever la poussière, traquer le moindre petit mouton, ainsi, sans qu'elle se fatigue le moins du monde, la maison sera enfin nickel.
Mais aujourd'hui Fernand est d'une humeur exécrable, alors Denise a décidé d'aller faire une longue randonnée avec ses copines. Une balade au grand air lui fera vite oublier les nouvelles angoisses de Fernand.
Car depuis hier, il ne tient plus en place. Il a encore retrouvé des crottes d'araignées sur la rambarde de la terrasse du salon. Et il est persuadé que quelqu'un lui en veut et dépose ces maudites bestioles sur le rebord de sa terrasse juste pour l'embêter.
Denise a bien essayé de lui montrer qu'il délirait que c'était impossible, mais rien à faire.
Il la fusille du regard ; quand elle lui parle ainsi ses lèvres se serrent de plus en plus jusqu'à devenir quasiment blanches comme s'il empêchait son sang de les irriguer. A chaque fois elle se demande même s'il ne va pas faire un malaise.
Alors après tant d'années de vie commune elle s'est fait une raison et elle le taquine gentiment :
"- Qu'est-ce-que tu racontes ? Mais enfin qui aurait bien pu mettre ces araignées sur notre terrasse ?
- Un jardinier mal intentionné, tu sais bien que je me suis engueulé avec l'un d'eux vertement car il s'était garé sur ma place de parking, ou bien un des chauffagistes, pour la même raison...
- Tu plaisantes, n'est-ce-pas ?
- Absolument pas, et puis, tu sais, c'est facile, en habitant comme nous un rez-de-jardin à peine surélevé, de monter sur notre terrasse !
- Non mais tu délires ! il n'y a jamais eu aucune trace de pas.
- Eh bien si justement !
- Ah bon ! Et alors, inspecteur Ferdinand, racontez-moi, je vous prie, comment allez-vous donc mener votre enquête ?"
Et en riant, elle attrape son sac à dos et ses bâtons de marche nordique, lui envoie deux baisers du bout des lèvres et juste avant de refermer la porte d'entrée, ajoute :
"- Si jamais vous trouvez des pistes intéressantes, n'hésitez donc pas à m'en informer par SMS. »
Poupsan