La boîte venue de l'éphémère
La scène se passe dans une grande forêt de feuillus en des temps immémoriaux.
Les bois bruissent de conversations feutrées. On voit un adolescent vêtu
d'une longue tunique bleue disparaitre entre les arbres vers le fond de scène.
Entrent ensuite deux hommes dont le chemin se croise.
- Excusez-moi. Je cherche le Grand Chêne du Druide.
- Le Grand Chêne du Druide ? Je n’ai point l’honneur de connaître ce lieu-dit.
- Je viens de loin. Peut-être que par chez nous, les noms sont un peu déformés.
- Vous venez pour qui ? Parce que Merlin et Mélusine sont fort prisés. Dès l'Assemblée de l'année dernière, les tablettes d'inscription étaient remplies.
- Et en se juchant sur un arbre ?
- Il n'y a plus un chêne qui n'affiche complet. Les épaules valides des participants mâles ont également trouvé chacune locataire.
- Toutes les épaules des participants qui peuvent se louer sont déjà occupées.
- Ce sont de vraies stars alors !
- Vous dites ?
- Une expression de par chez moi. Je veux dire, ils sont … très connus.
En fait, je viens de très loin. Je suis envoyé par mon journal « Le Gui Libéré » pour faire une présentation de la communauté des Druides et rapporter les travaux de l’Assemblée.
Dans mon pays, l'influence des Druides s'est beaucoup réduite. Il serait plus juste de dire qu'elle a presque totalement disparu. Il s'agit pour moi de faire connaitre leur rayonnement.
- Drôle de pays. Vous venez d’où au juste ? Je n'ai jamais entendu parler du "Gui Libéré".
- Je viens de l’Ephémère, c’est par-delà le temps, derrière l’estuaire de l’inaccessible.
- Un bien joli nom pour une contrée perdue aux confins de la terre.
- Je voudrais faire des croquis.
- Il y aura des ateliers de partage des pratiques. Ce sera le plus intéressant.
- Je veux faire un portrait des druides qu’on écoute le plus.
- Il faudra leur demander leur autorisation. Certains seraient forts courroucés s’ils apprenaient que vous vous êtes approprié leur image sans leur en parler.
Vous croquez au fusain ?
- En fait, j’ai une boite. Rectangulaire. Tenez, je vais vous la montrer.
- Oui, ça m’intéresse. Montrez-moi ça.
Je n’ai jamais rien vu de telle facture. Tiens qu’est-ce que c’est, ce cylindre qui englobe un morceau de verre ?
- C’est l’œil de ma boite à croquis.
- Je ne vois pas son fusain. Comment dessine-t-elle ?
- Le fusain est caché à l’intérieur de la boite. Il y a un bouton, ici, pour mettre en route la main intérieure. Elle dessine très vite. Et en couleur. Je vais vous montrer. Le dessin apparaitra ici à l’arrière. Il sera tout petit.
- J’ai hâte de voir ce dessinateur à l’œuvre. Vous le nourrissez comment ?
- Placez-vous là. Ne bougez plus. Le dessinateur n’aime pas du tout que cela bouge.
- Voila. Venez voir votre dessin.
Non, non ! Laisse ça ! Vite courrez-lui après !
- Inutile. C’est le petit singe de Merlin. Des voyageurs qu’il a soignés l’avaient rapporté d’îles lointaines. Ils lui en ont fait présent. Il est très agile et grimpe aux arbres, vous vous en doutez, avec une facilité déconcertante.
- Mais ma boite à croquis ?
- Sans doute Merlin la récupérera-t-il d’ici deux ou trois jours.
- L’Assemblée ne dure-t-elle pas que deux jours ?
- Pour les non initiés. Le Collège des Grands Druides, en apprenant la merveilleuse invention que vous avez apportez, décidera peut-être de vous autoriser à assister à la suite des travaux.
Oh ! Votre boite là ! Elle fait des éclairs ! Elle va déclencher les forces maléfiques ! Au secours ! Un espion de l’Ephémère parmi nous ! Attrapez-le !
L’Œil qui court
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