Sauve qui peut !
J'ai toujours eu peur, d'aussi loin que je me souvienne. Cela remonte à l'enfance certainement, mais l'événement qui a déclenché cette peur panique reste enfoui au plus profond de ma mémoire.
Les symptômes sont toujours les mêmes : dès que j'aperçois l'animal, mon coeur se met à battre la chamade, ma vue se brouille, mes jambes flageolent et je me mets à défaillir.
Cela m'a conduit à laborer des itinéraires très compliqués dans la ville pour être sûre, si j'en croise un, de pouvoir changer de trottoir.
Le matin, pour aller au travail, j'adorais prendre une petite rue bordée de maisons pimpantes et d'arbres fruitiers, où l'air embaumait dès le printemps. Jusqu'au jour où je me suis retrouvée face à l'animal, sans aucune possibilité de fuite : pas de rue latérale, aucun jardin où j'aurais pu me réfugier. J'ai fermé les yeux très fort et je suis restée immobile en espérant très fort que la terre s'enfonce sous mes pieds. Mais j'ai juste senti une truffe humide flairer ma main droite et un frisson de dégoût me parcourir. J'ai cru que ma dernière heure était arrivée; je me voyais déjà périr sous les crocs puissants de l'animal, déchiquetée comme un vulgaire morceau de viande.
Puis plus rien. Le silence régnait, j'entendais la rumeur lointaine de la circulation et ma respiration haletante. Lorsque j'ai enfin ouvert les yeux, j'étais seule. La petite cicatrice que j'ai au menton me tiraillait mais le plus important, j'étais saine et sauve.
Depuis je ne prends plus cette rue. Je le regrette beaucoup, les maison sont si jolies, et les fleurs au printemps éclatent de mille couleurs. Mais c'est ainsi, je ne peux pas prendre de risque.
Seulement volà, ma mère m'a avertie, cet été, ma soeur nous confie son animal car elle part au Canada et ne peut l'emmener avec elle. Je frémis déjà à l'idéede croiser la bête plusieurs fois par jour; cette pensée m'est intolérable et mes vacances vont être gâchées.
Il va falloir que je trouve une solution, radicale cette fois.
La librivore