Je vous ai déjà raconté dans quelles circonstances douloureuses nous avons dû nous séparer de notre Mounette et comment nous avions décidé de ne plus jamais adopter un autre chat. Beaucoup d’entre vous m’avaient pourtant assurée du contraire en me disant qu’ainsi notre peine serait bien moindre. Mais je trouvais cette proposition tout à fait indécente et il me semblait que me tourner vers un autre chat serait une sorte de trahison envers cette chatte tant aimée.
Le temps passa et curieusement, partout où je me rendais, il y avait toujours une chatte qui venait de mettre bas mais je restais stoïque malgré mon désir, me trouvant mille et une raisons pour ne pas me laisser tenter. Et puis un jour, ma mère me parla de sa voisine qui venait d’adopter un chaton égaré dans son jardin. Je trouvais alors le monde injuste et me mis à rêver, à espérer qu’un jour prochain peut-être, un chat viendrait se perdre chez nous …
Au mois de juin, notre petite troupe de théâtre d’impro donna son spectacle de fin d’année et comme à l’accoutumée, notre animatrice nous proposa une séance de relaxation et de visualisation avant d’entrer en scène. Elle nous demanda de nous créer un endroit calme, dans lequel nous nous trouverions bien et de le peupler de tout ce qui pourrait nous apporter un sentiment de bien être. Je me souviens très bien de ce que j’ai vu alors. C’était un coin de jardin avec une sorte de vasque d’où jaillissait une eau fraîche et apaisante. Puis, tout à coup, sur la gauche, apparut un petit chat noir et blanc qui sauta au bord de la vasque pour aller boire. Je serais bien restée là plus longtemps mais le public réclamait ses vedettes !
Quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître le lendemain près de notre fontaine un chat noir et blanc ! Il n’avait rien du petit chat que j’avais vu la veille dans mon rêve éveillé mais il était bel et bien noir et blanc et près d’une fontaine ! C’était en fait une pauvre chatte efflanquée qui visiblement avait beaucoup souffert. Elle avait le nez très abîmé, une plaie à l’oreille et un regard un peu fou. Elle s’était juchée sur une murette et me regardait fixement alors que je préparais le repas de midi. J’ai vite compris qu’elle était terrifiée et affamée. Je lui remplis donc une assiette avec ce que j’avais sous la main. Elle se sauva lorsque je m’approchais mais revint très vite lorsque je repartis. Elle s’est alors installée sous l’hortensia, quémandant sa pitance à toute heure de la journée.
Deux jours plus tard, autre surprise ! Une adorable petite chatte siamoise d’environ deux mois et demi arrivait sur le toit d’un hangar voisin. Elle se dirigea droit sur moi me fixant de son regard bleu turquoise en me faisant bien comprendre qu’elle voulait que je l’attrape. Pas farouche du tout, elle se pelotonna aussitôt contre moi en ronronnant comme un petit moteur. Elle aussi avait très faim et je vous laisse imaginer la tête de mon mari quand il la vit dans mes bras !
Dans un premier temps, il voulut que je fasse le tour du quartier pour savoir si elle appartenait à quelqu’un : pas question se laisser attendrir ! Je m’exécutais tout en priant le dieu de chats de ne pas trouver de propriétaire. Puis, comme il restait ferme sur ses positions, il me fit faire des affichettes avec la photo de la minette que j’allai placarder, la mort dans l’âme chez les commerçants et le vétérinaire pour tenter de la faire adopter. Inutile de vous dire que je ne choisis pas la meilleure photo, celle sur laquelle on pouvait voir son adorable petite bouille avec ses yeux de lagon tahitien ,mais une autre sur laquelle elle ressemblait à un petit rat que l’on venait de sortir de l’eau !
Pendant une semaine, elle se montra fort diplomate. Elle fit une cour effrontée à mon mari, le suivait partout, se couchait sur ses genoux dès qu’il s’installait dans le canapé pour regarder la télévision, lui léchait les mains en ronronnant de bonheur ! J’étais verte de jalousie !
Vous avez bien sûr deviné que nous l’avons adoptée et qu’elle semble très heureuse de partager notre vie. Nous l’avons baptisée Kizzi, ce qui signifie « reste avec nous » en Africain. Quant à l’autre chatte noire et blanche, nous avons compris depuis, qu’elle était vraisemblablement la mère de Kizzi et que cette dernière devait être l’unique survivante de la portée. Nous l’avons baptisée Kinou et elle s’est laissée finalement apprivoiser. Ce fut long mais elle coule des jours paisibles sous notre véranda, dans le garage ou dans notre jardin. Par contre, ses nuits lui appartiennent car elle refuse de se laisser enfermer dans la maison. Elle est sur mes genoux pendant que j’écris ce texte.
Azalaïs