Chéri, chéri !
- - Chéri, chéri, viens voir, l’automne est arrivé ! Vite, vite sortons, il fait si beau dehors ! Regarde la lumière ! Respire-moi cet air ! Allons, je prends ma canne et puis mon vieux chapeau. N’oublie pas ton appareil photo, il y a là des idées à foison, de quoi alimenter nos blogs pendant au moins trois mois !
- - Mais tu plaisantes j’espère ! L’automne, l’automne, c’est d’un banal ! Tous les ans on tourne tous en boucle autour des mêmes choses, tu n’en n’as donc pas assez ? Vas-y toi si ça te fait plaisir, moi je reste ici, j’ai l’hiver à préparer !
- - L’hiver ? Mais l’hiver c’est loin, tu as bien le temps !
- - Tu crois ? Il faut installer la chambre du fond, renouveler le stock de couettes, acheter de nouvelles ampoules basse consommation, vérifier les radiateurs, garnir les étagères, installer une alarme pour ne pas se faire dévaliser comme l’année dernière par les loirs et les mulots, commander quelques bouquins. Je me commanderais bien le dernier Yann Moix, il paraît qu’il est top pour passer l’hiver : tu lis, tu dors, tu lis tu dors ! En plus il est tellement lourd qu’on peut faire de la gym avec et entretenir ses muscles histoire de ne pas ressortir tout mou au printemps !
- - Quel rabat-joie vraiment. Regarde en lisière du bois, regarde ces chênes enjuponnés de roux et puis cette épaisseur de glands ! On pourrait même s’y rouler dedans comme dans une piscine à balles ! Viens, on va bien s’amuser !
- - Bof, on l’a déjà tellement fait, ce n’est pas nouveau !
- - Et tiens là-bas, regarde les feuilles brillantes des grands peupliers qui font comme des couronnes d’or au-dessus de la rivière. Entends-tu leur musique, on dirait mille petits cœurs qui battent à l’unisson. Mille battements d’ailes…
- - Et alors, tu ne vas tout de même pas me rejouer la scie de la mélancolie et des feuillages jaunissants sur les gazons épars !
- - Non, pas du tout, juste la grâce infinie des platanes, la tendresse de leurs branchages quand ils touchent la terre et l’étang qui fleurit dans le soleil couchant…
- - Des rengaines, encore des rengaines qui nous bassinent avec toutes ces vieilles choses vues et revues : le brouillard du matin, l’odeur des pommes, les noix, les raisins, les feuilles mortes et le vent qui fait claquer les portes et les beaux jours qui sont finis !
- - Mais tu ne comprends donc rien, c’est comme un rendez-vous qu’on ne doit pas manquer, quelque chose qui te prend tout entier, qui te fait vibrer, qui te rend vivant, joyeux, qui illumine tes journées !
- - Ce n’est pas ça qui va remplir notre garde-manger ! Et puis l’automne, ça te file entre les pattes, tu n’as pas le temps de dire ouf qu’il est déjà passé. Je ne te comprends pas chérie, il n’y a vraiment que toi pour tenir de pareils discours !
- - Et le désir, tu en fais quoi du désir ?
- - Mais ma parole on dirait que tu as 10 ans !
- - Et pourquoi pas, c’était si beau cette énergie, toutes ces envies, ces gestes fous que l’on faisait sans se préoccuper du qu’en-dira-t-on. Les choses étaient tellement simples. Oui je rêve encore de me rouler dans les herbes folles au milieu des grillons, oui, j’ai envie encore de fouler les feuilles mortes, de les lancer en l’air comme un feu d’artifice, de regarder le feston de givre qui borde les corolles des dernières ombelles. J’en ai assez de subir le décompte des jours coincée de ce satané terrier qui sent le renfermé. Tu me parles de confort et moi je te parle de vie, tu entends de vie ! Et que tu le veuilles ou pas, cet hiver, je pars au bord de la mer!
- - Au bord de la mer? Mais tu es complètement folle, c’est contraire au règlement !
- - Le règlement ? Le règlement je m’en tamponne, j’ai passé l’âge d’obéir au règlement. Désormais, le règlement c’est moi qui l’écris. De toute façon avec le réchauffement climatique cette notion de saisons est totalement dépassée alors moi, je sors, je profite de l’automne et je vais aussi profiter de l’hiver. Qu’est-ce que tu dis ?
- - Rien, je siffle !
Azalaïs
http://marge-ougreve.eklablog.com
J'ai un peu détourné la consigne et je me suis aperçue après coup
que mon texte ressemblait quelque peu à celui d'ABC,
j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop.