BALLON GONFLE
Je suis un ballon à la belle couleur chantante, rond comme une orange, ou bien un melon (je ne veux vexer personne). Je suis gonflé d’importance et d’hélium quand je survole, villages aux toits rouges, vertes prairies et petits points minuscules de jolies nymphes blondes des blés, que je photographie de ma nacelle.
J’aime les cieux azurés et ma région montagneuse à la terre fertile. Aujourd’hui, je suis libre et heureux. J’offre mon beau regard brun chaud aux fées cotonneuses allongées sur les nuages. Elles arrondissent leurs joues enfantines et soufflent un zéphir qui me berce et me transporte dans des paradis bleus, naturels il va de soi ! Tous mes sens offerts à ma contemplation rêveuse, je ne prends pas garde au vent qui a chassé la brise. Mes fées s’effilochent et disparaissent dans une mer de gris.
J’aime aussi le gris, ses nuances, ses nacrés mais l’orage qui s’annonce ne me rassure pas du tout et soudain, me voilà balloté en tous sens. J’ai mal au cœur et la peur me fait verdir. Je n’ose pas allumer les gaz car la foudre aurait vite fait de calmer tout signe de rébellion. Elle est si dangereuse cette pythie quand elle s’en prend à un pauvre ballon ! Je n’ai pas la force des montgolfières pour braver vent hurleur et éclairs en furie. Je suis rentré dans le village car la présence des hommes est parfois souhaitable face aux éléments déchaînés. Ce n’est pas une bonne idée car la rue dans laquelle je me suis engagé est truffée de fils électriques et pas un oiseau n’ose s’y poser. Le vent est contraire à ma force refuge, je ne suis qu’un jouet manipulé par les fils invisibles et retors de la colère d’une déesse rageuse. Je frôle le danger, mes yeux s’arrondissent de terreur, les fils se rapprochent et la foudre me frappe et je sens que je tombe en lambeaux, moi qui ai le vertige et peur du vide…
CLAUDIE