21 juin 2008
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Je me souviendrai de tout.
Je me souviendrai de chaque seconde de cette heure dans le matin blême. Il était à peine six heures, des fourgons se garaient en bas de l'immeuble. Je me souviendrai de la mine impassible de ce gendarme qui leva le nez et me fixa. J'étais sur mon balcon, comme tous les matins à la même heure à regarder le ciel.
Ils étaient nombreux, ils se positionnaient dans les entrées pendant que certains montaient dans l'escalier. J'entendais leurs pas lourds.
Je me souviendrai des coups de sonnette insistants. Puis des coups de poing dans la porte. De la porte qui grinça doucement et des cris qui résonnèrent.
Je me souviendrai du silence qui suivit, des pleurs qui perçaient l'aube naissante, des voisins qui se réveillèrent et entrebâillèrent leur porte pour la refermer aussitôt sur les braillements des hommes en uniforme.
Je me souviendrai, comme nous tous dans l'immeuble, de la femme qui portait l'enfant endormi et qui tremblait avant de monter dans un fourgon, poussée brutalement par les musclés de service, de l'homme hagard tirant la grosse valise et trébuchant tout abattu, du petit Micka, trois ans à peine, que sa grande sœur tenait fermement par la main, droite et fière.
Je me souviendrai du regard perdu de Micka qui accrocha le mien impuissant avant de disparaître dans le véhicule bleu.
Je me souviendrai de tout.
Ce n'était pas le 16 juillet 1942, c'était hier dans mon quartier, ils venaient d'Azerbaïdjan, ils étaient là depuis cinq ans.
Des gens tranquilles, sans histoire. Et des enfants.
Polly
Http:/:mpolly.over-blog.com
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