Tu prends la première rue à droite dit-il en tendant son bras gauche en direction d’un jardin potager.
Doutant de la clarté de ses explications, il rejeta son béret en arrière, se gratta le crâne, ajusta la baguette de pain coincée sous son bras droit tendu par un énorme cabas à provisions, puis ajouta : Evidemment, tu peux aussi passer par la gauche. C’est au choix. Mais alors tu devras faire le tour du parc et tourner à droite après la maison rose.
En suite de quoi, il a rapidement disparu au coin de la rue. Sûr qu'il s'est mis à courir de peur qu'on ne le rattrape pour lui demander d'autres explications.
Il a du s'engouffrer chez lui, essoufflé et terrorisé, et a du fermer sa porte à double tour d'une main tremblante et moite. Il s'est assuré que les cinq verrous et trois targettes étaient bien tirés. C'est que le brave homme n'a pas envie de nous voir apparaître dans l'embrasure de sa porte, hagards, avec une barbe de trois jours et les yeux injectés de sang en forme de pistolets mitrailleurs, après avoir errés en vain dans le dédale des rues qu’il nous avait indiqué.
Tu vois, on peut même se demander s’il n’a pas eu quelques difficultés à retrouver sa propre maison après nous avoir indiqué notre route de cette manière.
En conclusion, il nous a dit « bonne chance ». Je crois que c’est la seule parole sensée qu’il ait prononcée durant notre entretien. Nous avions, en effet, le plus grand besoin de chance.
Lui aussi en a eu, car après quelques digressions dans une banlieue pavillonnaire (as-tu remarqué la tendance croissante des banlieues à devenir pavillonnaires ?) un petit quart d’heure de divagations dans une périphérie environnante, nous avons découvert le panneau indicateur que nous cherchions.