Mais...Attends, attends, attends!...
De ce que tu m'écris, es-tu tout à fait conscient?
Il me suffirait donc de poser un petit orteil
Que tu trouvais jadis adorable, à nul autre pareil
Sur cette -ô combien- délicate passerelle
Légèrement la traverser, afin de te retrouver
Toi, mon Beau Prince Berbère, de l'autre côté
Puisque tu me portes encore un Amour que tu jures éternel?
Mais...Attends, attends!...
Je sais bien que chez moi s'est installé un sacré frimas
Que les arbres sont gelés, mon paysage paralysé par le verglas.
C'est sûr, dans ton pays, chaleur et ciel semblent torrides, rouges et blamboyants,
Tout cela, j'en conviens, est tout à fait tentant.
Mais...Attends!...
J'ai remarqué sous le petit pont des courants qui semblent forts, bien déchaînés.
Si je tombais, je me noierais ; tu serais encore bien trop loin pour me repêcher.
Tu m'assures en plaisantant qu'il me suffit de relever sans danger mes cotillons
Que tu ne vois que l'immense plaisir de voir venir à toi la dentelle de mes jupons.
Mais...
Comment oses-tu prétendre, toi qui, à te lire, m'as tant aimée
Que ce petit passage étroit n'est en aucun cas pour moi périlleux?
Qu'il n'est qu'un délicieux chemin vers le bonheur enfin retrouvé et partagé
Qui pourra ainsi rebriller de mille feux lumineux...
Tout ce que tu me promets, par ta belle Ecriture,
Vois-tu, je n'en suis pas tout à fait sûre...
Saurais-je d'abord sans encombre, m'aventurer sur la fragile passerelle
Si j'y parviens, j'ai peur de ta déception à l'arrivée, car je suis devenue beaucoup moins belle.
Quant à savoir inventer avec toi une relation calme et apaisée
En voyant le rouge de l'enfer au loin se déployer, permets-moi, de fortement douter.
Donc, je préfère demeurer chez moi,
Dans mon pays certes un peu trop froid,
J'attends encore un peu, veux-tu
Moi aussi, je suis restée têtue.
Mais si tu m'aimes autant que tu l'écris
Rassure-moi... tu m'attendras n'est-ce-pas et là, tu souris...
Lucille