Le blog a été ouvert le 24 janvier 2008. Jusqu'au 1 mars 2017, Azalaïs, Lilousoleil, Polly et Quichottine vous y ont proposé des jeux d'écriture en toute simplicité.
L'arbre noir, trapu, courtaud se dresse comme un empereur romain au bord du champ de bataille. L'arbre, comme un garde républicain au garde à vous, surveille le gouffre profond. De très loin on entend le bouillonnement des cataractes submergeant le ru niché au creux du gouffre.
Au bord du précipice, non loin de l'arbre noir, j'hésite, je piétine, prête à traverser sur la passerelle en rondins de bois disjoints. Le brouillard monte du canyon, mouillant et imprégnant tout d'humidité collante. Comme sous un brumisateur, mon visage se couvre de perles de rosée. Mes cheveux courts lentement oublient le brushing et se tordent en frisotis serrés. Mon pied posé sur le premier rondin, je lève les yeux vers l'ouest qui se pare de sang et d'or.
Avant la nuit, il faut que j'aie traversé le canyon, ce serait plus raisonnable ! En ai-je vraiment envie ? Pas trop ! Je souris. Mon regard se tourne vers l'est qui s'est vêtu de sa chemise de nuit de velours noir. Les nuages couvrent le ciel d'une doudoune gris anthracite. Je rêve aux étoiles masquées, diamants dans la nuit scintillant à la lumière du soleil endormi.
La raison s'insinuant dans mon esprit rêveur, je porte mon regard de l'autre côté du gouffre. Les bruits de la terre prennent le dessus pour me rappeler à l'ordre. Doucement, j'avance sur la passerelle qui grince et se balance à chacun de mes pas. L'ombre de l'arbre noir, doucement, s'atténue et disparaît quand l'or du soleil plonge derrière l'horizon.
Le bruit assourdissant du ruisseau transformé en torrent monte des profondeurs du canyon. Enfin, sur l'autre rive, la raison me libère et mon esprit repart en vagabondage. Je vois l'ouest se vêtir de sa tenue de nuit et de son gros manteau de pluie. Le ciel est si bas, que je pourrais attraper la dernière pépite de cuivre rouge lancée par le dernier rayon du soleil. Les yeux fermés je respire les senteurs de la terre mouillée, de mousse, de champignons et de feuilles mortes humides. Je remonte le col de mon imperméable et je fais tomber la capuche sur mon front. Au bout de l'allée, la lampe au dessus de la porte m'indique le bout du chemin. Tandis que je me hâte vers la maison les arbres qui bordent l'allée comme un cocon se penchent vers moi et me saluent pour la nuit.
Demain, lors de ma promenade du soir, sous une autre lumière, au son d'une autre musique l'arbre noir dessinera pour moi, un autre tableau.
Mélodie