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Le blog a été ouvert le 24 janvier 2008. Jusqu'au 1 mars 2017, Azalaïs, Lilousoleil, Polly et Quichottine vous y ont proposé des jeux d'écriture en toute simplicité.

Mais ça c'était avant de Ptitsa.

Mais ça, c’était avant

 

Active. C’est ce que j’étais. A tous les sens du terme. Economiquement : j’exerçais un métier. Je l’aimais passionnément. Je me dévouais à lui corps et âme, je lui consacrais la majeure partie de ma vie, de mon temps, de mes forces : mes espoirs, mes défis, mes combats. Quotidiennement : même dans mon temps « libre », j’éprouvais le besoin de bouger, de m’« activer », d’être « efficace ». De remplir. Je m’en rends compte maintenant : j’avais une intime horreur (et une peur démesurée) du vide. De me retrouver face à cette sensation de béance intérieure, de néant absurde, total. Je me bourrais d’occupations et de passe-temps, choisis ou imposés, pour colmater ce vide. Je saturais mon espace et mon temps d’un fatras d’objets, d’intérêts, de relations, de rendez-vous pour ne pas pouvoir m’asseoir le plus petit instant face à cette source d’angoisse fondamentale : moi. Je ne voulais pas, surtout pas faire connaissance avec tous ces ennemis féroces et terrifiants tapis dans mon ombre. Je préférais nourrir l’ombre. C’était plus simple, plus sain, plus rassurant, plus rentable… plus « payant ».

Ca, c’était avant.

Avant le « temps mort ». Accident, retraite, licenciement, pause… ce temps porte un nom différent pour les uns et les autres, mais sa réalité brutale est la même pour tous. La seule chose qui diffère, c’est la façon de l’aborder, de le vivre. J’ai d’abord nié. En bloc. Des mois durant, j’ai été dans un refus et une rage bouillants d’avoir dû « m’arrêter ». Ma pensée déchaînée tournait en moi comme un fauve en cage. Je ne voulais pas de cette vie « au rabais ». Je me sentais inexistante, diminuée, bafouée. Plus tard vinrent l’abattement, la dépression… Il m’a fallu du temps pour apprivoiser ce nouveau mode de vie. Pour apprendre à aimer la lenteur, le silence… même la solitude. J’ai fini par retrouver un travail, oui… un travail de deuil. D’autant plus ardu que j’avais amoncelé, ces années durant, tant d’obstacles contre lui, tant de barrières entre moi et moi… Il m’a fallu errer dans des plaines d’accalmie, franchir des pics de révolte, m’extirper de marécages infestés de vermine… combattre, un à un, mes illusions, mes retards, mes cauchemars.

Ce fut long. Et âpre.

Aujourd’hui, je contemple les « actifs » (les hyperactifs !), cette horde grandissante autour de moi, non plus avec envie, mais avec une compassion où n’entrent plus ni dédain, ni fiel. Je les regarde courir, je les écoute vrombir, je sens la trépidation de leur « activité » faire trembler la planète… et je les plains. De ne rien savoir encore de l’essentiel. De passer à côté de tous ces détails infimes qui rendent la vie belle, unique, précieuse.

Par une alchimie qui me dépasse, mon temps mort a fini par devenir vivant, vibrant. Il rayonne d’une vie cachée dont ils n’ont pas idée. De mon lit, immobile entre mes quatre murs, je fais le vœu qu’à leur tour ils puissent un jour entrer dans ce mystère, avant que la vie ne les stoppe en pleine course.

 

 

Sylvie Ptitsa

 

http://graines-d-esperance.over-blog.com


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P
Et bonne année !!
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P
Merci à vous pour vos commentaires.
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M
la vie actuelle conduit à des comportements que la réalité met à rude épreuve, et il faut bien se rendre à l'évidence et réfléchir... Alors il est trop tard pour recommencer, mais on peut<br /> poursuivre différemment et ... mieux..<br /> Merci pour ces 2 textes bouleversants.
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Q
L'éloge du "prendre le temps de vivre" avant qu'il ne soit trop tard.<br /> <br /> Tout cela fait réfléchir, Ptitsa.<br /> <br /> Merci pour ce moment.
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P
"il m'a fallu errer dans des plaines d'accalmie", cette métaphore magnifique, à elle seule, résume l'intensité de ta course de vie et de la souffrance engendrée par cet arrêt brutal.<br /> Il est évidemment que l'hyperactivité nous masque nos blessures, nous empêche de les soigner.<br /> Le combat fut rude, mais le temps finalement a fait son ouvrage, et toutes les illusions défuntes permettent de se retrouver, s'apprécier, s'aimer, enfin!
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