Le blog a été ouvert le 24 janvier 2008. Jusqu'au 1 mars 2017, Azalaïs, Lilousoleil, Polly et Quichottine vous y ont proposé des jeux d'écriture en toute simplicité.
Je l’attends.
J’ai poussé le portail.
Comment se fait-il qu’il soit fermé ? Je l’ai ouvert tout grand. Et comme chaque soir, je m’assois sur un des bancs près d’un mur.
Je l’attends.
Et je m’inquiète. D’habitude, depuis des mois, il est aussi ponctuel que moi. Ce soir, il ne vient pas, il n’est pas là à jaillir de l’allée. Je marche un moment d’un côté, puis reviens sur mes pas, m’assois à nouveau, le cabas est lourd sur mon bras.
Depuis des mois, on se retrouve ici, vers 16 heures. On s’étire au soleil, on se colle sous le parapluie quand il pleut. On papote.
Il n’est pas là. Je commence à imaginer tous les accidents possibles : il est passé sous une voiture, il a percuté un vélo, il a été battu par des voisins mécontents, il est enfermé quelque part. Et chaque image me fait blêmir d’angoisse. Je me rapetisse sur ce banc, je deviens vieille soudain, toute ratatinée.
C’est que la solitude, je connais. Rentrer chez moi, allumer le poste de télévision, fermer la fenêtre pour ne pas entendre les disputes du premier ou les chamailleries des enfants du troisième. Regarder le film se dérouler sans rien comprendre, manger un bout en continuant à ne rien comprendre, éteindre la lumière, me coucher et ne pas dormir parce que les bruits de la nuit encombrent mon minuscule appartement.
Alors mon rendez-vous de seize heures occupe mon esprit. Je pense à lui, à ce qu’il fait de ses nuits, à ses promenades sur les quais, à ses copains du quartier, ces vagabonds de la Seine qui cherchent pitance et ne la trouvent pas toujours. Je prépare le cabas avec mes petits moyens pour lui, pour qu’il ne dépérisse pas.
Pourquoi ne vient-il pas ?
Enfin, je l’aperçois, avec son allure fière, sa tignasse rousse. Il arrive à pas de velours comme toujours. Je me lève, impatiente et je me fige.
Il est suivi de cinq minuscules reproductions rousses. Ses enfants ? Je le croyais solitaire. Et je comprends que ce n’est pas Tonio que j’aurais dû l’appeler ! Je ne me suis jamais préoccupée de son sexe, à vrai dire … et arrive une mère avec toute sa portée.
Ciel ! Comment je vais faire pour nourrir tout ce monde ? Si j’avais les moyens je les prendrais chez moi.
Il vient se coller contre mes jambes, oh ! Flûte ! Elle vient se frotter comme chaque soir tout contre moi et me les présente. Qu’ils sont mignons et dégourdis déjà ! C’était ça son retard ! Ils n’allaient pas à son allure, elle devait veiller à les amener sans qu’ils s’égarent.
Il faut que je leur trouve un foyer, il y a sûrement encore des gens qui aiment les chats.
Polly