Le blog a été ouvert le 24 janvier 2008. Jusqu'au 1 mars 2017, Azalaïs, Lilousoleil, Polly et Quichottine vous y ont proposé des jeux d'écriture en toute simplicité.
Faire part de décès : Tonton Marcel est mort.
Faute de pouvoir joindre la famille, la Mairie de Havreberge sur Galur, alertée par les voisins qui n'avaient pas vu les volets s'ouvrir depuis une semaine, annonce le décès de Monsieur Marcel Pastougnac.
Le médecin venu constater le décès pense à « une crise cardiaque ». Bon vivant ne crachant pas ni sur la cochonnaille ni sur le bon vin certains diront : « Il a fait une belle mort ! »
Les ayants-droits peuvent se faire connaître le mardi matin à la permanence de Maître Lejeux notaire à Havreberge sur Galur afin de connaître les dispositions prisent par le de cujus.
L'inhumation s'est faite dans la plus stricte intimité au caveau de famille. Marcel avait annoncé son désir de ne pas « passer par l'église. »
Un texte de Rainer Maria Rilke a été lu par un proche selon ses vœux en voici une copie :
« Pour écrire un seul vers »
« Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas ( c’était une joie faite pour un autre ), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers. »
Rainer Maria Rilke (1875-1926) – Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)
Pierre
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