Un jour,
mon prince viendra
J’ai ainsi vécu seule
sans personne avec qui parler
véritablement,
jusqu’à une panne dans le désert du Sahara,
il y a six ans.
J’avais à peine de l’eau à boire
pour huit jours
et
ma longue robe blanche,
en coton indien,
celle que papa m’avait offerte
le jour de mes seize ans,
était toute froissée…
Alors,
vous imaginez ma surprise,
au lever du jour,
quand une drôle de petite voix m’a réveillée.
Elle disait :
« S’il vous plaît,
Mademoiselle Pénéloop,
dessinez-moi un mouton... »
« Plaît-il ? »
« Dessinez-moi, un mouton,
je vous prie... »
*
*
*
Ma foi,
je le trouvais plutôt poli,
plutôt joli garçon,
mais
je n’étais pas vraiment sûre qu’il soit majeur…
Je me suis assise sur le sable blond,
le sable chaud,
je me suis adossée à la carlingue cabossée,
bien à l’ombre
rare.
Il flottait ici,
à cet instant précis,
comme un parfum de bonheur
sans âge…
Sans que je l’y invite
tout à fait,
il est venu s’asseoir tranquillement
entre mes jambes,
son dos frémissant
tout contre
mon sein frémissant.
De sa main droite,
il jouait avec le sable fin
qui filait entre ses doigts si fins
et
il a dit tout haut,
presque avec solennité :
« Je suis
le Grand Sablier
des Origines du Monde ! »
Très légèrement,
je l’ai entouré de mes bras doux.
Longtemps,
très délicatement,
il a caressé les étoffes
autour de mes genoux
et
il a demandé :
« Mademoiselle Pénéloop,
vous portez toujours
des robes de Princesse ? »
J’ai laissé
le grand silence des sables
répondre à ma place.
*
*
*
J’ai attendu que le soleil
enfin
décline lentement
lentement
derrière la dernière dune.
Tout rouge.
Croyez-moi,
cela a pris des jours et des jours…
À un moment,
sans le vouloir vraiment,
j’ai posé mes lèvres, très délicatement,
sur sa belle nuque toute fraîche
et
j’ai murmuré :
« Seulement les fois
où je sens que je vais rencontrer
quelqu’un d’important... »
« Hum…
Je savais que vous alliez dire ça… »
Sans presque bouger,
mais en respirant
fort et paisiblement l’un et l’autre,
on a attendu
que les premières étoiles
se lèvent.
Seulement
le vent des sables
et
le cri cri
des insectes immémoriaux…
Un oiseau invisible a crié.
C’était le signal que j’attendais…
J’ai glissé à son oreille :
« Tu le veux toujours, ton mouton ?
Je te préviens,
de toute façon,
quoi que tu répondes,
j’ai préparé pour toi,
rien que pour Toi,
la plus belle,
la plus extravagante
des excuses du monde… »
Pénélope Estrella-Paz
( et un grand merci à… )
L’Orée des peut-être :
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