Trouble
La galaxie diaprée brasse ses veines en pulsations d’écharpes scintillantes.
Les remous se tordent en symétries éphémères où transparaissent des créatures aux nageoires effrangées, où fondent des galets suceurs de merveilles crépusculaires, où surnagent les traînes laiteuses d’anémones filantes. Dans le filigrane de courants azurés, des vaisseaux d’écaille translucide, fouettés par une écume frétillante, s’étoilent en transparences orageuses sur le ressac d’une valse pervenche.
Cristal et sable crissent, se brassent, se frottent, se frôlent, s’interpénètrent en une osmose ondulatoire, vagues de saphir et de turquoise fondus que lissent des doigts de corail au gré de variations ondoyantes. Des chevelures aux reflets irisés dérivent, se lovent fugitivement dans la courbe d’une spirale aléatoire que l’océan enroule, déroule, propulse, avale, couronne, crève et livre finalement à une nébuleuse nacrée dont les lèvres aspirent l’arabesque dans un faisceau éblouissant.
Au refuge de récifs coralliens et d’alvéoles veloutés, des amours amphibie s’offrent des étreintes tamisées avant de s’évanouir parmi des rideaux d’algues mauves en une souveraine métamorphose.
L’onde malaxe la terre, l’astre bleu infuse l’eau, le souffle subaquatique s’insinue et reflue en toutes choses, vaste respiration dont l’élan plastique sculpte la crête des fluides, libère des figures floues, liquéfie la durée.
Sur la rive, une forme endormie s’éveille difficilement. Quel profond rêve était-ce… ?
D’où ces immensités irréelles, ces architectures oniriques ont-elles surgi ?
Quel songe est assez puissant pour entraîner la conscience si loin dans les abysses… ?
Qui étaient ces êtres fabuleux ?
L’homme frissonne, se relève d’un bond, se secoue avec énergie. Il ne fait pas bon dormir si près des eaux, le murmure des flots suscite une dangereuse torpeur, éveille des songeries fantasmagoriques où tremblent des silhouettes instables, ambiguës, désuètes, chimères d’un autre temps.
Tournant le dos à l’onde, il part.
A la surface de l’eau, un frémissement imperceptible passe. Une ombre glisse dans les profondeurs… ou était-ce un reflet ?
Aidunn nawouane enermen islannzedi ?
« Quand donc les hommes sauront-ils à nouveau entendre la voix des elfes ? »