- Hé ! Petit !
- Oui ?
- Tu me déranges à chanter.
- Mais ce que je chante m’enchante.
- Je préfère le gazouillis de nos voisins rossignols, et tu gaspilles ta glotte à perturber leurs arias.
- C’est quoi des arias ?
- C’est une rivière joyeuse qui coule magique entre les herbes folles, c’est un tremblement qui atteint les étoiles, un frôlement divin qui vrille l'âme, un frémissement de tendresse qui atteint nos fibres secrètes.
- C’est le chant des oiseaux qui fait tout ça ?
- Et plus encore.
- Et toi sur ta branche tu entends la rivière magique, le frôlement des dieux, le tremblement des étoiles et le frémissement de tes secrets ?
- J’entends tout ça, j’entends aussi le vent dans les dernières feuilles de l’arbre, le vent qui nous dit que l’éternité ne nous appartient pas, j’entends l’étrange murmure du temps qui nous fige, c’est un chuchotement qui picote et nous dit de l’écouter passer.
- Mais je ne veux pas rester à écouter le temps qui passe, moi je veux bouger, rire, danser, chanter. Je ne veux pas rester cristallisé sur cette branche sans avenir. Je veux les roses, je veux la force de l’orage, je veux grimper plus haut dans l’arbre pour regarder l’horizon flamboyer, je veux l’amour, je veux le chant, je veux plus qu’un frémissement, un murmure, un chuchotement, je veux le mouvement et le chamboulement, je veux l’éternité dans chaque instant, je veux des baisers et de l’embrasement, je veux...
- C’est de la déraison, petit ! Hé bien, file plus haut, file plus loin si tu le peux, saute dans tes étoiles pour en saisir l’incandescence, file et apprends tous les chants du monde. Mais ne gêne plus ce qu’il me reste de joie à écouter tout ce que ces murmures me racontent de beauté et de sagesse.
Polly