MOI, LE CHAT ET LE CINQUIEME ELEPHANT
Moi, chat commun, à mon premier rendez-vous avec la vie, le monde était cotonneux comme la fourrure de ma mère. J’ouvrai les yeux et rencontrais la terre. Quelle frayeur et quel éblouissement ? Sur mes pattes mal assurées, j’explorai chaque espace du domaine réservé à moi tout seul. C’était le printemps. Milles fleurs chatouillaient mes narines, mille insectes voletaient autour de ma tête. Moi, à force de les regarder, j’en devins louche.
Chat loucheur ! Rigolaient mes copains des bas quartiers !
Chat-pardeur hurlait la sorcière qui me poursuivait avec son balai.
Maintenant moi, chat de banlieue, j’ai l’âge de partir en maraude. Mes copains m’entraînent dans ce qui va devenir une mémorable soirée et bouleverser ma vie de vieux garçon endurci.
Nous longeons le cimetière, la ville est endormie, les poubelles pleines à craquer. Une orgie pour ma petite gueule d’amour !
Des arêtes de poisson dépassant des babines, je saute sur le mur du cimetière et là… Sous moi, le dos du cinquième éléphant fort replet et fort mécontent.
- Si je ne me trompe, panthère, tu es entré en collision avec moi sans t’arrêter au feu follet qui était rouge.
- Oh pauvre de moi, Seigneur des Eléphants, je suis daltonien car je suis un chat loucheur, chat loupeur si tu préfères. Je t’en prie, oh grande et forte Créature Grise, prends ma défense et laisses moi repartir. »
Moi, tremblaiaiai… de peur. Eh oui, une patte d’éléphant est pire qu’une patte d’ours, elle ne porte pas bonheur.
L’éléphant me toisa de sa hauteur. Ses pavillons se mirent à battre, faisant voltiger mille insectes que je suivais des yeux, tant et si bien que mes pupilles se replacèrent dans la bonne trajectoire. Il me sembla repérer un énorme rire dans les petits yeux du cinquième éléphant.
- Allez file, tu n’es pas une panthère mais juste un chat insignifiant. Et ne t’avises plus de réveiller la quiétude de nos morts. Ici c’est le cimetière des éléphants. »
Moi, je ne me fis pas prier et détalai droit devant grâce à mes pupilles droites, sautai sur le mur du cimetière et c’est là que…
Moi, le chat pelé, je vis une pépée tigrée aux yeux verts étourdissants. Je lui jetai un regard oblique. Elle reçut mon laser en plein cœur et depuis, moi tout seul avec leur maman, je veille sur une famille de gamins turbulents qui louchent comme moi il y a bien longtemps.
CLAUDIE