Déménagement
Mon toit, après tant de péripéties, je pousse enfin la porte de mon « chez-moi » !
Mon cocon. Mon endroit. Ma maison. Ma vie, à moi, entre mes mains. Au calme. Du calme…
Durant ces deux dernières années, toi que j’aimais tant, t’es mis en tête de me détruire. Petit à petit, pierre après pierre, tu m’as anéantie. Mère jusqu’au bout des ongles, trop mère. Et toi, un simple bout de père, un homme, jusqu’au bout des ongles…
On s’est perdu de vue.
Impossible de savoir quand tout a commencé. Lorsque la seconde est née, déjà, on ne se parlait plus ou si peu. Le moindre silence m’effrayait. L’onde entre nous s’est brisée et le plus petit silence amenait son flot de culpabilité : « Est-ce de ma faute tout ça ? Où est-il parti ? Et notre si beau passé, va-t-il revenir ? ». Où le chercher, ce Toi, qui me manquais tant ? Toi auquel je ne sais plus parler, Toi qui ne me comprends plus…
Est-ce la moiteur de l’Afrique qui a tout disloqué ?
Je me souviens de cette naissance. Notre deuxième fille. Tu n’étais pas là. J’ai accouché seule, abandonnée sur cette table où l’année d’avant, c’était au complet qu’on accueillait notre première enfant… Tu es arrivé trois jours plus tard à la maternité ! A peine un regard sur le berceau, pas un regard pour moi. Où étais-tu parti ? Était-ce déjà les effluves d’un autre parfum qui te faisaient tourner la tête en mille farandoles ?
Si éloigné de moi, de nous…
J’ai tenté de pardonner tes frasques. Cette autre qui partageait ta couche. Cette autre qui envahissait notre maison… Insidieusement, tu l’invitais dans notre territoire par des moyens détournés et vicieux. Cette autre à laquelle tu donnais ce que je ne « méritais » plus. Sais-tu seulement pourquoi ? Pourquoi suis-je devenue ta plus grande ennemie ? J’ai récolté tant de mensonges. Tant d’ignominies éparpillées dans ce chez-nous, qui, au fil du temps devenait un chez-toi duquel je me sentais exclue, dépouillée. A peine tolérée. Une sans domicile bien au chaud dans cette prison, obligée de se faire toute petite. Retranchée au fond de moi-même, où je cherche, désopilée, les restes de notre passé révolu.
J’ai tenu mes filles à bout de bras. Et puis un matin, alors que tu étais en vacances, alors que j’attendais ton retour pour des retrouvailles méritées, enfin nous… J’ai ouvert le tiroir de la table de nuit. Tes mots de ta main, ce petit nom que tu me réservais, sur un bout de papier pour une autre ! Une autre encore que je ne connaissais pas. Une de plus ! Dernier coup de poignard bien profond et la goutte de sang a fait déborder ce vase. Ce vase qui contenait trop de douleurs. Plus de famille. Plus d’amour. Plus rien que des larmes. De la rancœur. Toi, ma torture. C’en est assez. Stop. Que tout s’arrête et que la mort me prenne. Non, point de mort pourtant. Maigre, défaite autant que détruite, le dernier sursaut libérateur !
Prendre la fuite. Partir, partir, ne plus jamais revenir ! Finie la vie recluse, la vie de cuisinière, de repasseuse de chemise, de cocue, de garde-chiourmes et de porte chandelle, fini de te voir offrir aux autres ce que tu ne me donnes plus ! Basta ! Partir, s’enfuir. Fermer ses valises. Claquer la porte. Tout laisser. Ne pas se retourner. Les mains de mes filles. Dans les miennes.
Fuir. Enterrer le passé. Aller ailleurs. Si loin.
Pour renaître. Autrement. En mieux que toujours, à jamais, sans Toi.
Zie
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