La bicyclette (bleue ?)
« Tu peux l'essayer si tu veux. » Bastien me désignait son vélo bleu, flambant neuf, qu'il avait reçu pour ses 9 ans. J'hésitais. Je les avais déjà moi, les 9 ans et, si j'étais bon aux billes, à la course, bon en classe -mais pas devant- je ne savais pas faire de vélo. A quand remontait ma dernière expérience de cycliste ? Je l'ignorais, mais ce que je savais, c'est que dans la cave, sous la poussière, mon tricycle dormait encore. Je n'avais jamais eu d'autre vélo, mes parents craignant pour ma sécurité. J'avais grandi ainsi, regardant les autres pédaler, certains lâchant même leurs mains du guidon. Moi, tel un échassier maladroit, je n'envisageais plus de me poser sur pareil engin. Je dévisageais mon ami, pouvais-je lui avouer que je n'avais jamais fait de deux roues ?
« C'est que, il est neuf, je ne voudrais pas l'abîmer» dis-je nonchalamment.
Derrière ses lunettes, j'ai vu ses yeux s'agrandir d'étonnement. Il a reniflé une fois pour se donner de la constance et il est monté dessus. Au démarrage, aucune hésitation, aucun appui nécessaire. J'ai regardé ses basquettes adhérer comme par magie aux pédales, et il est parti. Planté là, j'ai regardé Bastien faire le tour du square. Les cris des enfants répondaient à ma solitude soudaine. Là-bas, notre arbre, avec ses branches basses écartées comme un refuge à mômes, ne me tentait plus. D'ailleurs, il semblait triste aussi, la rentrée ayant sonné son glas depuis longtemps, il commençait à laisser tomber ses feuilles. Alors je me suis assis sur le banc. Et j'ai ... pensé. Je me disais qu'avant, je ne me posais pas toutes ces questions, jouer et courir me suffisaient. Maintenant, j'avais peur de perdre mon ami, j'avais honte de ne pas être comme les autres.
Le dérapage contrôlé, il l'a fait juste à côté de moi, pour m'attendre sur son vélo. On est devenus de la même couleur gris poussière. Une même masse de poussière grise et bruyante. On riait comme des fous. C'était mon ami, il avait compris. Il allait m'apprendre ....
Valdy