Des mots dans la Terreur intime
Prison Saint-Lazare - Paris le 1er juillet 1794
« Salut et Fraternité citoyen André Chénier !
- pas de ça ici ! laissez-moi ! partez sur le champ !
- mon ami , je vous entends bien mais les gardes nous surveillent...
- je suis condamné à mort ! que peuvent-ils me faire de plus !
- je viens vous apporter un peu de réconfort...
- le seul réconfort serait l'annonce de la fin des tyrans !
- chut... je le voudrais aussi... mais il y a un peu de ça...
- que voulez vous dire ?
- cette fin est peut-être plus proche qu'on ne le pense en général
- que Dieu vous entende !
- plus bas ! mais je vous ai interrompu dans votre travail... qu'écriviez vous donc ?
- une ode à la Fille de France la plus courageuse...
- de qui voulez-vous parler ?
- de Charlotte Corday ! son geste exemplaire...
- j'admire son courage mais je réprouve le meurtre !
- abattre Marat ! détruire un tel monstre n'est pas un meurtre !
- c'est un assassinat dont les conséquences seront terribles...
- terribles ? nous sommes déjà dans la Terreur
- oui, mais ne rejoignons pas les Terroristes dans leur infâmie
- ils ont perdu leur qualité d'êtres humains !
- Prenez garde mon cher Poète ! un temps viendra où pour détruire ses ennemis sans problème de conscience, on dira d'eux la même chose : « ce ne sont pas des Hommes »
l'esclavage actuel - que notre bon Roi voulait abolir - repose sur ce dogme... on les parquera, on les marquera comme du bétail, on leur fera subir mille tortures avant de les exterminer... et bien des médecins, y joueront un grand rôle... par d'atroces « expériences »...
- Ceux qui dirigent la France aujourd'hui ne méritent pas mieux... et que pouvons-nous y changer ?
- des amis se proposent de vous faire évader...
- non ce n'est pas mon destin... mes écrits n'auraient alors plus aucune force... Le Poète est un Mage celui qui montre la voie...
Adieu, Monsieur... contentez-vous de surveiller la publication de mes oeuvres… »
jean-marie