- Alors comme ça je déménage ?
- Oui, t’es qu’une foldingue, te supporte plus, veux plus te voir, veux plus t’entendre.
Et un adieu pathétique branle la porte de l’appartement.
Et moi comme une mal embouchée je les écoute sur le palier à s’époumoner l’égo. Mado et Rémi, c’est mon voisinage enturbulencé, et leurs crichamailles et la vaisselle emmurée, c’est du courant d’air assuré. Pff ! je sais qu’elle reviendra ou qu’il ira la chercher sur les trois genoux, c’est comme ça leur vie, c’est dans leur tête qu’ils démangent ces deux là, c’est leur façon d’exister et de s’enamourer la vie. Moi, mon souci c’est Tché et Napo que je garde quand ils s’évadent aux réconciliations, j’suis mieux qu’un arbre dans la forêt qu’il m’a dit un jour où j’avais hésité à cause d’un ami qui avait besoin de moi. Tché c’est un chat, un gros chat noir et blanc, avec de longs poils et un regard à vous transpercer de tendresse. Napo c’est son compagnon, son amour, son ami, un gros et vieux berger belge au poil râpé. Tous les deux me font peine. Quand il y a des cris, Napo se gare sous la table et Tché se cale entre ses pattes, sous son ventre, ils ferment les yeux en rêvant à un autre monde. Ce jour-là, Mado met Tché dans une corbeille et file sous les yeux battus de Napo. C’est à vous déchiqueter le cœur. Elle emporte le chat, il garde le chien, c’est toujours comme ça. Je leur dis que je m’en occupe en attendant qu’ils se rabibochent la becquée. Mado me regarde de travers, Rémi hausse les épaules et je n’ai plus qu’à retourner dans mes pénates.
Depuis plusieurs mois, j’ai pris ma décision. Ma fille m’attend dans sa maison au milieu de la prairie, elle a aménagé un petit chez moi pour mes vieux jours. Mais pas sans Tché ni Napo. Je ne veux plus qu’on les sépare. Alors j’attends patiemment. Et je prie tous les dieux et les diables inventés de par le monde pour qu’il se magne à s’agenouiller.
C’est ce qu’il fait. Et pendant quelques jours j’entends l’agitation percuter la cloison, mais ce sont des cris plus haletants dans lesquels s’ébroue le prochain voyage.
Quand ils me laissent enfin Tché et Napo, c’est avec un grand sourire que je leur dis de bien profiter de leur séjour dans les îles. Je me retourne vers mes deux compagnons, et tous trois on se fait une fête de chatouillis et gratouillis qui dure jusqu’à tard le soir, et qui, on se le promet, se renouvellera souvent dans la prairie qui entoure notre futur foyer.
Polly
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