C’est très étrange, je me réveille frais comme un gardon alors que l’engin de malheur qui me tire de mon sommeil, sans pitié, chaque matin de son horrible buser, n’a pas encore opéré son œuvre maléfique.
Je suis d’ailleurs si bien éveillé que j’affine le procédé de l’exécution de cet appareil infâme au premier jour de ma retraite.
Je me coucherai avec un marteau sur mon chevet et lorsque cette stupide machine ramènera sa fraise, ce sera son chant du cygne, je le détruirai doucement, an prenant mon temps, pour me venger de tous ces matins où il m’a tiré de mon lit.
Je le soupçonne d’y avoir pris du plaisir et bien moi aussi je vais me payer du plaisir à coup de marteau.
Allez, j’ai assez déliré, je vais profiter de l’heure matinale pour aller écrire un peu.
En repoussant les couvertures, je suis un peu surpris, il semble qu’elles soient plus lourdes que d’habitude, j’entends le souffle régulier de ma femme, il ne faut pas la réveiller, je prendrai mon café dans mon bureau pour ne pas faire de bruit.
Je butte partout, les volets sont fermés et je ne vois rien.
Je prends mes vêtements à tâtons et me dirige comme je peux vers mon antre.
Ce n’est pas possible ça ! Je ne trouve pas l’interrupteur !
Heureusement en homme prévoyant j’ai toujours une bougie et une boite d’allumettes sur la cheminée.
Ah, voila le bougeoir, je craque une allumette
Mais je suis où ?
Il n’y a plus rien !
Plus de PC, plus de chaine, plus de CD !!
Il faut faire enter la lumière du jour, nous sommes en juin le soleil est levé depuis longtemps, mais pas moyen de mettre la main sur la commande éclectique, je pousse d’anciens volets dont j’avais oublié l’existence, ils craquent, grincent puis finissent pas céder et se laissent rabattre contre les murs.
La surprise frise la démence, cette fois c’est la voiture qui a disparu et avec elle le chemin carrossable.
Je me retourne vers mes livres, les ouvrages contemporains sont toujours là mais les pages sont blanches !
Ok !!!
Ok, je me calme, je dors c’est juste un cauchemar, je vais me pincer, oui c’est ça, me pincer pour me réveiller.
Aie !!!
Je ne dors pas.
J’ai été cambriolé, on ne m’a pas volé mes biens mais mon présent !
Dans la cuisine je découvre que tout le confort de mon époque a disparu
Mais mon chien est là, il remue la queue, il n’a pas l’air inquiet.
Moi je suis au bord de la folie !
Je lui demande de me suivre, nous allons marcher lui dis-je.
Nous prenons le chemin à fleur de colline.
Qui de la folie ou de l’éveil nous ramènera ? Reviendrons-nous ?
Soudain nous entendons un galop frapper le sol, le son se rapproche et nous voyons apparaitre un grand cerf.
Il s’arrête s’immobilise en face de nous, en plongeant mes yeux dans les siens, je me sens étourdi, comme décollé de terre, il me semble que tout tourne autour de moi, mon compagnon s’assoit et laisse échapper un gémissement.
Un souffle de brise me donne la force de lui commander de regagner la maison.
Il hésite, puis s’en va, il se retourne deux à trois fois, puis avant que je ne le perde de vue, il se met à courir comme s’il avait vu le diable.
Lorsqu’à nouveau je fais face à l’animal sauvage je vois un arc en ciel se dessiner autour de ses bois.
Je lui souris, il approche sa tête tout près de la mienne, à nouveau tout autour de moi semble s’abandonner à une ronde gigantesque.
Confusément, je me dis que c’est un curieux coursier que l’on m’envoie.
Je regarde le ciel qui continue de faire danser les nuages, les arbres font chanter leur branches, il me semble que je vais m’évanouir, le grand cerf me pousse doucement hors du chemin, je le suis….
Mathéo