Silhouette blanche…
Chaque matin, elle se tenait à la même place…Elle était debout, et j’avais l’impression qu’elle me regardait, qu’elle m’observait, de loin. Je la voyais, dans son décor d’arbres. Elle était toujours vêtue de la même robe blanche, longue, légèrement serrée à la ceinture. Sa tête portait une coiffe qui semblait faite de deux cônes blancs, dressés en oblique, vers le ciel…
L’après-midi, ses cheveux, couleur de miel, flottaient sur ses épaules.
Toute la journée, elle était immobile . Son bras droit était ballant. Sa main gauche était posée sur sa hanche. Parfois, elle semblait pencher le torse vers sa gauche.
Souvent, je voulus la photographier : toutes les photos étaient floues…
Souvent, je cherchai à l’approcher, en vain… Je parcourus routes, sentiers et chemins. Je traversai champs et prés. Jamais je ne pus la trouver !...
Et puis, un jour…
C’était l’après-midi. Il devait être 16 heures environ. Le thermomètre affichait 46° au soleil. Nous nous étions réfugiés à l’ombre, l’ombre d’une haie de troènes combinée à l’ombre d’un parasol. Là, il faisait bon lire !...
Mais j’avais du mal à suivre le fil du roman de science-fiction que j’avais dans les mains : je regardais trop souvent la silhouette blanche…
Soudain, son bras droit se leva, se plia. Sa main se dirigea vers sa hanche gauche. Elle sembla chercher quelque chose…Dans un sac, peut-être ?
Puis cette main se détendit dans un geste ample…
Pour nous, c’était l’heure de la promenade. Nous partîmes par les petits chemins dans la lande, pour rejoindre la mer. Dans les sentiers, l’ombre était un plaisir pour le corps . Mais il faisait très chaud au soleil !
Ca nous tomba sur le dos en un instant ! Le soleil disparut, le décor devint gris, nous eûmes froid !...
Ce fut comme si nous nous trouvions …dans un nuage !...
Je ne compris pas tout de suite, tant j’étais surpris. Mais comme un éclair, l’idée s’imposa : le geste auguste du semeur !...
La main de la silhouette blanche avait semé ça ! Mais c’était quoi ?
Longtemps, le paysage disparut dans ce voile ! Nous ne voyions qu’à quelques pas devant nous. Les pêcheurs, au large, se hâtaient de rentrer : on entendait le bruit des moteurs de bateau. Des moteurs qu’on pousse pour se réfugier au port.
De retour au camping-car, je fus tenté de faire quelques photos. C’était stupide : elles seraient floues ! Mais j’espérais fixer la silhouette blanche dans ce décor gris.
Nous avions la sensation oppressante de vivre sous un dôme, un dôme de grisaille froide, comme si tout l’espace s’était restreint en quelques instants.
Puis le soleil revint : le nuage sembla se fondre lentement. La température devint tiède, puis chaude à nouveau. La vie reprit son cours. La silhouette blanche était à sa place habituelle…
Dans les rayons rasants du soleil couchant, je la revois : elle dansait ! Le bas de sa robe blanche s’élargissait, comme si elle valsait…
Et la nuit tomba. Les lumières habituelles s’allumèrent. A la place de la silhouette blanche, il y avait comme une lueur orangée.
La mer était haute, et dans l’eau, il y avait le reflet blanc.
Mais ce reflet n’était pas à sa place : il était décalé, oui, c’est ça : décalé, déplacé, de quelques dizaines de mètres…