Notre histoire avait plutôt mal commencé en cette veille de départ de trek : les aboiements s’étaient ajoutés à l’altitude pour rendre notre nuit particulièrement courte pour les plus chanceux, hachée pour les autres. Dont moi, puisque Garou avait choisi de se coucher contre notre tente pour s’abriter du vent et profiter, peut-être, d’un peu de chaleur humaine. Si vous trouvez que votre appartement est mal insonorisé, essayez de dormir sous une tente à côté d’une bande de chiens semi-sauvages et vous verrez ! (enfin entendrez ;-)). Mais il a tenu bon, et si aucun d’entre nous n’avait envie de le caresser au matin de la première nuit du trek, sa présence fidèle nous l’a rendu sympathique au fil du temps (le fait aussi que lors des nuits suivantes, dans les montagnes isolées, il n’y avait plus d’autres chiens avec lesquels il aurait été tenté de converser ;-)
Garou était en effet d’humeur vagabonde, et il nous a suivis depuis la petite ville de Kibbeur d’où nous débutions le trek, pour nous accompagner pendant près d’une semaine et devenir notre mascotte. Il se mêlait à la file des marcheurs, silhouette inhabituelle à quatre pattes, et se couchait auprès de nous pour dormir lors des pauses. Très vite, chacun a voulu lui donner un petit nom, Sacapuces, Spitidoggy, Saint Juste ou bipbip, mais c’est à notre guide Antschuck qu’est revenu ce privilège puisqu’il s’engageait à le garder avec lui si Garou allait au bout du trek.
Et il a suivi, grimpant avec nous même pour le haut Col de la Pareng La, se lançant courageusement pour traverser les gués de rivières, se couchant lors des pauses. Il devait s’interroger sur les mœurs de ces drôles d’humains qui passaient leurs journées à marcher. S’il venait quémander des caresses, ses réactions de fuite face aux cris ou aux gestes trop brusques montraient qu’il n’avait pas toujours à la fête. Il avait une peur bleue des mules mais il se faisait une joie de pister les marmottes, voire de les croquer (il ne devait pas apprécier la nourriture végétarienne dont il mangeait les restes), pour notre plus grand déplaisir. Cette année, nous n’avons pas pu jouer les paparazzis ;-)
Nous nous étions habitués à sa présence au point de nous inquiéter la veille d’une gros passage de gué sur la Parang Chu pour lequel il était prévu de tendre une corde tant le courant risquait d’être fort. Si chacun appréhendait sa traversée, nous nous demandions aussi comment Garou y parviendrait. Heureusement, la rivière était basse et paisible et tout se passa bien.
Mais un matin, quelques jours avant la fin du trek, Garou disparut. J’avais la veille raconté l’histoire romancée de sa vie dans ces petits textes que j’écrivais pour nous amuser à la veillée, une histoire déjantée où il était la réincarnation successive de quelques chiens célèbres et déplorait de ne pas avoir le droit de partager nos tentes… S’en était-il offusqué ?
Impossible de savoir ce qu’il est devenu, s’il est revenu sur ses pas ou s’il a continué sa route sans nous, mais je crois que tous, même si ce fut à des degrés variables, nous avons été tristes de ne plus le voir trottiner avec nous.
Garou, chien infidèle !
Pandora