CHIEN BIGARRE BELGE
L’annonce lui saute aux yeux. Il replie le journal et appelle sa femme.
Tiens, regarde moi ça. Elle chausse ses lunettes. Donne chien bigarré belge à propriétaire fripé.
Eh bien dis donc ! Ils savent bien à qui ils s’adressent dans ce journal.
Je ne suis pas si fripé et puis, d’abord je n’aime pas les belges même en bergers. Bizarre ce bigarré ! Ca doit lui tanner le poil ce pauvre chien d’être bigarré.
Elle émet un grondement de gorge.
Tu sais que les moustaches de ton chat me toisent mortes dans ce sac de cellophane percé que tu as posé au fond de l’étagère. Oh et puis, j’en ai assez de ces poubelles pleines que tu ne descends jamais et si tu les jetais pour de bon les moustaches de ton Riri. Ton vieux chat castré qui a cassé sa pipe dans le foyer incandescent un soir tragique. Marre aussi des bières blondes que tu ingurgites à longueur de journée et qui me distillent verte.
Oh mais tu me frémis grave de la glotte à reluire, toi et ta folle du logis me sombrent de cafard. Tu m’embrouilles la cervelle. Moi, je ne suis bien qu’avec les bêtes et ce chien, je vais le prendre rien que pour t’enquiquiner. Si tu t’embêtes t’as qu’à courir après des amants élastiques.
Tu sais bien que les amants frileux me rasent, j’ai passé l’âge de telles fredaines.
Le bruit du Concorde au grand nez discordant passe au-dessus de leur tête. Des glaçons nagent et tremblent comme des gros pythons paresseux dans les verres teintés.
Il se mit à aboyer la peau encore plus fripée que d’ordinaire.
Elle lui répond par un miaulement nerveux de guitare à brandebourg (la guitare autrichienne de la fillette ronde qui descendit un soir d’hiver, la vendre au marché de Clochemerle.
Elle sort les griffes en entendant le son merle. Le mot lui nargue les moustaches en agitant son bec de plumes jaunes, couleur pastis qui se dissout dans les verres.
Il ouvre une gueule saignante et secoue la peau de sa femme entre ses babines. La peau de cette fichue chatte qui lui frémit grave dans les oreilles depuis vingt cinq ans.
Vingt cinq ans qu’il attendait le moment de lui arracher le poil à cette féline acariâtre et soudain, il se sent fort comme un bigarré belge. Une frite d’enfer ! Pas besoin de clebs aux crocs gigantesques pour la hacher menue. Ce soir il n’a plus honte d’être fripé car il renoue avec ses origines lointaines.
Plus peur d’être laminé par les griffes diatoniques d’un félin pelé.
Ce soir, il rentre dans sa vraie peau de sharpei. Et tant pis pour les belges.
CLAUDIE