Gare maritime
Je ferme la porte de la maison. Derrière la fenêtre le chat, me fixe intensément. Ce matin, il devait bien sentir que ce n'était pas un jour comme les autres, il n'a pas arrêté de se frotter sur mes jambes et de monter sur mes genoux dés que je m'asseyais.
Je tourne le dos à la maison et me dirige vers le port. Dans le petit matin de juin, les rues sont désertes. Un peu d'animation quand je passe prés du marché. Toutes les senteurs se pressent puis s'estompent doucement, pour être remplacée par les odeurs de marée, de poissons et de fuel mélangées.
Le Port ! J'y suis. Devant la gare maritime, je regarde les annonces des départs. Je sens, je renifle, je respire le port. Mes yeux survolent tous ces bateaux et s'arrêtent un instant sur ce long paquebot. Sur les ponts, des mains s'agitent et pour mieux être vues, reconnues elles sont agrémentées de foulards multicolores. Sur le quai, d'autres mains s'agitent, de ceux qui resteront qui ne voyageront que par procuration au travers des cartes postales que les autres voudront bien leur envoyer. Mon regard se détourne du flot bigarré de cette foule statique.
Je m'éloigne d'un pas tranquille, sans but. Mon regard, caché par les lunettes de soleil est à l'affût de quelque chose. De cette chose qui changera de manière radicale le cours de ma vie. Cette chose ? Ce je ne sais quoi... Juste un signe ... signe du destin qui me jettera dans un futur imprévisible... un peu d'aventure, un peu de fantaisie.
J'arrive aux pontons des bateaux de plaisance. D'autres senteurs me montent au nez, ici une odeur de « Mirror » qu'on a utilisé pour faire briller le laiton, ailleurs peut être une odeur de bois ciré. Plus loin l'odeur de café et pain grillé me fait sourire. Un homme aux yeux plissés et au teint buriné me salue et me propose une tasse de café. J'hésite et puis j'accepte, j'ai tout mon temps. Il me parle de ses voyages, de sa dernière traversée de l'atlantique, de son tour de l'Australie, des gens qu'il rencontre dans les ports. Il est surpris par mes réticences à répondre à ses questions. Quand je lui dis que je n'ai pas de projet bien défini, mais que j'aimerai partir. Je connais la navigation. Tous les étés je passe mes vacances sur le bateau d'amis. J'aime le maniement des voiles. J'aime le vent qui gonfle le spi. J'aime la mer. En riant, il me dit qu'il ne prend pas d'équipier, et encore moins d'équipière. Il m'indique un ponton où des bateaux pourraient avoir besoin d'un équipier.
Un autre ponton, d'autres gens qui s'activent aux préparatifs du départ ... indifférents à ma présence. Un peu à l'écart, arrimé le long d'un quai, un catamaran de course étire son mât vers le ciel. Les drisses agitées par le vent cliquettent sur le long tube en carbone. Tout est calme à bord. Je m'assoie sur une bite d'amarrage et admire le bel oiseau blanc. Les emblèmes des sponsors colorent les coques et leur donnent un air d'arlequin. Je détourne le regard attiré par le bruit insolite d'un moteur de voiture qui s'arrête non loin de moi. L'homme qui en descend, est un vieux loup de mer, son regard bleu comme le ciel des mers du sud me scrute. Bougonnant un vague bonjour, il se détourne pour décharger la voiture. Je suis un peu comme un chat, attentive à chacun de ses gestes. Il range le matériel, fait de nombreuses vérifications. Je souris quand je le vois sautiller sur le trampoline. C'est curieux comme un homme d'une telle stature peut se déplacer avec une telle légèreté. Le bateau est magnifique. Je lève les yeux vers le haut du mât. L'homme remonte sur le quai pour détacher les amarres, me salue de la tête. Remonté à bord, il lance le petit moteur qui lui permettra de sortir du port.
Je le regarde s'éloigner, dés qu'il a dépassé le port, le vent s'est engouffré dans les voiles. Je reste sur le quai, imaginant la grand-voile gonflée par le vent, la musique du carbone, les embruns sur mon visage, les vagues se brisant sur les coques, et le bel oiseau dressé sur ses foils prêts à s'envoler.
Je ne suis plus là sur ce quai abandonné. Les bruits lointains de la ville se sont évanouis remplacés par ceux de la pleine mer. Prise dans les embruns de mon rêve je remonte le quai. C'est mon jour de folie, à la gare maritime, j'achète un billet pour le prochain départ : dans 12h pour un tour du monde...
Mélodie
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