Ode à la nudité douce
(ou les phantasmes d'un apprenti voyeur)
A une belle inconnue à peine entrevue à sa fenêtre
Tu es passée
Chez moi à l'improviste.
Je me suis embrasé
Quand tu m'as embrassé...
Depuis je chéris la trace
Que sur la place
Tu as laissée.
J'ai retrouvé et j'ai suivi la piste,
Haletant, puis triste,
Accablé, exalté,
Qui mène à la fenêtre étrange,
Qui me permet enfin d'oser
te contempler.
Jamais je ne dérange,
Etais-je l'invité ?
Ici, je suis voyeur,
Je vois surtout avec mon cœur.
Mais en cette heure exquise,
Il faut que je te dise,
Je suis dûment hanté
Et toute honte bue
Je voudrais
Te voir nue.
Toute nue.
Je voudrais
Que mon regard se glisse
Vers les endroits secrets,
Vers tes seins, ton ventre, tes cuisses
Et vers ces lieux sacrés...
Ô vibrantes prémices
De l'érotique procession...
De l'intime sacrifice,
A la dernière possession,
Au suprême délice...
Te voir, t'admirer...
Je ne peux te parler,
Je ne peux vraiment t'atteindre.
Sans trop me plaindre,
Sans trop pleurer,
Sans trêve,
Je revisite les images de mon rêve...
Sous le lin blanc
Sous la robe si simple apparemment,
Si vaguement
Baptismale
Mais virginale
faussement,
Je devine
Ton corps, ma divine,
nu,
Magnifiquement nu.
Dis-moi, câline
Ce vêtement, ce décor,
C'est bien la seule fioriture
Qui recouvre ton corps,
La seule garniture,
Comme je me plais
A le penser ?
Cette grâce de sylphide
Ce corps tant émouvant
A la vénusté splendide
Ce corps que j'aimerais tant,
Dans ma ferveur trop avide
Que j'aimerais tant voir dénudé,
Que j'aimerais tant te voir dénuder,
Faute de pouvoir le faire moi-même...
Sans le connaître, ce corps,
Je l'aime.
Défais la boucle d'or
De la lourde ceinture
Ôte donc lentement l'inutile support,
Enlève la futile parure.
Ah, pouvoir t'admirer
dans ta vérité
Profonde
comme l'onde
Ta nudité.
Je n'ai que l'image mystique
comme la Sainte Icône du paysan
orthodoxe,
De l'artiste croyant,
Dont l'acte est la prière à Dieu.
Un seul objet pour soutenir la foi.
Et c'est mon paradoxe,
Quelle image
de toi ?
Est-ce un ange,
Est-ce un démon ?
Une simple allumeuse
Une âme tortueuse ?
non...
Mais je te remercie du suave tourment.
A écrire ces mots, le corps s'émeut...
Un adolescent
Maigre et boutonneux
N'y résisterait pas. Et ton image
si sage,
du solitaire et vain plaisir
recevrait un ardent hommage.
Ô désir,
Tendre mirage,
Je vois dans ton si beau visage
Le doux regard s'assombrir,
Et je bois à ton avenir !
Ne sois pas choquée,
Sois fière de ta vie,
de susciter
des joies terrestres, d'être aimée,
de provoquer
le trouble de l'esprit.
Que les dieux te soient favorables.
Si tu venais à la rencontrer
Et si elle te déplaisait,
Ignore cette fable...
Jean-Marie