13 septembre 2008
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LA STRIDULANTE SIESTE
Quelque part dans le pré, au pied du grand chêne...
- Dis, t'as vu ce nuage ? On dirait un oiseau ...
- ....
- Et là-bas... On dirait une fleur...
- ....
- T'entends ma copine Cigalette, elle stridule à tout va. Ah... On est bien là. Il fait un temps superbe. Ce ciel bleu est vraiment magnifique ! Oh, regarde ce nuage. On dirait une pomme.
- Et encore à gauche, tiens, un poisson...
- ....
- Et...
- Tu ne peux pas t'abstenir de parler... La mettre en veilleuse quoi. J'aimerai pouvoir me reposer en silence. Tu sais : regarder le ciel, réfléchir, bronzer, rêver... EN SILENCE !
- Ok, ok, te fâche pas...
- (soupir)...
- Ben moi j'arrive pas à rester sans rien dire. C'est plus fort que moi. Désolé. Tu comprends. Il faut extraire l'essence de la vie en chaque chose.
- Ça j'ai bien remarqué que tu extraits à tout va ! De toute façon je dois rentrer, j'ai du travail.
- Le travail, toujours le travail. Tu n'a pas d'autre mot à la bouche. Détends-toi un peu.
- Il y a un temps pour tout. J'ai essayé de me reposer un peu... J'ai bien dit essayé, parce qu'avec toi mon cher, ce n'est pas gagné d'avance... Mais maintenant c'est l'heure pour moi d'aller faire mes réserves.
- Allez... T'es bien ton propre patron ? Accorde-toi un peu de congé !
- Et qui va venir me voir cet hiver réclamant de quoi manger ? Ce serait pas toi à tout hasard ?
- Mais non, mais non, ma chère Mamz'elle Fourmi... J'ai appris la leçon la dernière fois. Je vais t'épater. J'ai déjà fait mes réserves pour l'hiver. Oui, oui, ma chère...
- Dis-donc Monsieur Cigale, tu te serais pas encore fourré dans un pétrin monstre. C'est bien ton style ça de te faire embarquer dans des combines qui frisent l'illégalité. Je te préviens. Pas question que tu me harcèle cet hiver, hein ?
- Allez respire un bon coup. Rassures-toi... J'ai certes chanté tout l'été... mais...
- Mais quoi ? Parle.
- Mais, j'ai bien négocié mes prestations musicales de l'août, foi d'animal.
- Explique.
- Entre concert privé et festival médiéval, je me suis fait payer en graines, et moult vermisseaux. Je peux même te dire que Sir Black, le corbeau, maire de la ville par-delà la forêt, m'a invité à revenir dès l'été prochain. Et j'ai même un associé. C'est d'ailleurs lui qui me garde toutes mes réserves, puisque je suis troubadour qui voyage par monts et par vaux. Il garde tout cela chez lui et sans me faire payer sou. Sympathique, non ?
- Et je peux savoir qui est ce généreux et compréhensif associé ?
- Il s'appelle, Fox.
- Fox, le renard ?
- Oui, c'est cela.
- Je crois, mon pauvre Monsieur Cigale, que tu es bon pour revenir travailler avec moi au magasin... Fini les vacances, fini farniente et stridulation.
- Que dis-tu ?
- Je dis que tu t'es encore fait avoir ! Fox, le renard, est certes malicieux,futé et rusé, mais pas du tout généreux. Je suis surprise que Sir Black ne t'ai pas mis en garde. On ne peut pas faire confiance aux renards. Tu devrais le savoir...
- Tu dois sûrement te tromper Mamz'elle Fourmi. Celui-ci est charmant.
- Charmant et fourbe ! Je crois que tu es encore bon pour repasser devant l'Honorable Lion, le Juge de la forêt.
- Tu m'effraies Mamz'elle Fourmi. J'irai d'abord voir le gendarme Lézard. Mais ce sera plus tard dans l'après-midi. Tu m'as stressé. J'ai besoin de me ressourcer maintenant. Je vais faire quelques menues vocalises, puis je ferai une petite sieste.
- Une chose est sûre Monsieur Fourmi, je suis admirative de ton calme. Tu te dis effrayé mais tu ne te précipite pas chez le gendarme Lézard...
- A quoi bon... Comme on dit, les mouches et les vermisseaux... «ça va, ça vient. Quand ça vient, ça va...»
- C'est sûr.
- Allez, Mamz'elle Fourmi, va donc travailler, amasser ton grain. Pour ma part, je vais encore profiter un peu de la brise du vent qui portera mes notes de musique, et de ce petit moment de plénitude qui précède le moment suspendu de la sieste.
- Sacré Monsieur Fourmi, tu ne changeras donc jamais.
- Il ne faut jamais dire jamais...
Izzabel R.
www.izzabel.com