La pompe et le tuyau percé
- Que t'arrive-t-il ? demanda la pompe à pied au tuyau d'arrosage, tu as l'air à sec, vidé, tout flasque.
Ils étaient côte à côte dans le jardin, près de la piscine autoportante encore vide.
- Ca me gonfle, répondit le tuyau, je suis à plat, j'ai une fuite !
- Ben ! ce n'est pas grave ! un trou, ça se répare, mets une rustine .
- Tu ne manques pas d'air, rétorqua le tuyau grognon, je la prends où, moi, la rustine ?
- T'inquiète pas, je vais en chercher une, je connais une petite sacoche de secours où je trouverai ton bonheur.
La pompe se propulsa aussitôt d'un jet vers le cabanon de jardin abritant le vieux vélo du pépé.
Elle revint rapidement, à peine essoufflée.
- Tiens, colle-toi ça sur le trou ! dit-elle au tuyau
Ce dernier se sentant aussi bête qu'une passoire se saisit de la rondelle encollée et l'appliqua derechef sur sa plaie. C'était un coup de la tondeuse à gazon, elle ne l'avait pas loupé cette pimbêche. Il ne l'avait pas entendu arriver, ce jour-là. En principe il se méfiait, dès qu'il entendait le moteur, il se planquait. Mais cette fois-ci, la veille, il dormait profondément sous l'effet des premières chaleurs. A croire qu'elle l'avait fait exprès, cette idiote.
La rustine en place, l'hémorragie cessa aussitôt.
La pompe poussa un « ouf !» de soulagement, son ami était guéri, elle avait besoin de lui pour remplir la piscine.
- Ah ! super, ça s'arrose ! dit-elle joyeuse, t'as vu ? je ne me suis pas dégonflée hein ? ni vu, ni connu, j'ai fait ça incognito...la tête à pépé quand il voudra réparer son vélo : c'était la dernière rustine !
- C'eût été un comble que tu te dégonflasses, ma chère ! répondit le tuyau avec emphase ; il se tortillait, joyeux sous la force de son jet...s'amusant à arroser le plus loin possible...
- Bon ! ce n'est pas le tout, reprit-il, on a du boulot. Tu gonfles le boudin que je ne gaspille plus mon eau.
- Cool, mon brave, répondit la pompe, il faut que je respire à fond. Y a pas le feu !
- Eh bien respire ! respire ! Mais ne brasse pas trop l'air, c'est vrai qu'il n'y a pas le feu au lac, n'empêche que je dois la remplir, moi, cette piscine, j'en ai pour un moment, et ça me fiche la pression, je suis déjà sous pression, alors imagine, c'est des coups à faire péter la rustine. J'en ai au moins pour 8 plombes.
- Ah ces mecs, tous les mêmes ! soupira la pompe en commençant à gonfler, dès qu'ils n'ont plus besoin de vous, y s'donnent même plus la peine d'être aimables !
- Mais oui, mais oui ! allez gonfle ! J'ai pas l'air comme ça, mais je te soutiens moralement, d'ailleurs je commence à la remplir, car mon eau est aussi précieuse que ton air, et là je suis dans mon élément.
La pompe pouffa !
- Pourquoi ris-tu ? demanda le tuyau surpris.
- A cause des éléments. Tu étais inerte à terre, j'ai l'air, tu avais le feu, et maintenant tu as l'eau. On a les quatre éléments, c'est bon !
Le tuyau faillit s'étouffer... Cette pompe était un puits de science, tout compte fait, et pourtant elle n'en avait vraiment pas l'air...il était tombé sur une pompe à pied cultivée...
Lui, le tuyau de jardin percé...frétilla de plus belle...Elle était mignonne, cette pompe finalement...pompe à pied peut-être ...mais pas si bête....et depuis qu'il avait mis cette rustine il ne se sentait plus ...comment dit-on déjà ?...« pisser »...oui, c'est cela...c'est décidé : il allait faire du charme à cette pompe...
Finalement il ne manquait pas d'air ce tuyau prétentieux...La pompe allait-elle tomber sous le charme ?...ça c'est une autre histoire...Nous n'avons pas tous les éléments pour y répondre...demain peut-être ?....Tiens donc : Y aurait-il un cinquième élément ?....
Bigornette
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