
La semaine, je suis invisible. Personne ne me regarde, personne ne fait attention à moi. On m’évite même.
Je suis balayeur. Dans une gare.
Je suis le parfait représentant de celui qu’on ne regarde jamais, qui se fond dans le paysage quotidien, qui est invisible, malgré mon costume vert pomme et mon gilet fluorescent gris.
Les gens me dépassent, me croisent, et personne n’est capable de dire si j’étais là ou pas, si j’ai balayé les quais en plein vent, ou les halls bondés, ou les couloirs où les couples s’embrassent , dans des adieux déchirants, ou des retrouvailles émotionnantes.
Le Week-end, on ne regarde que moi, on ne voit que moi. Toujours dans cette gare. Mais personne ne sait que c’est moi. Je suis le centre d’intérêt de toute cette population qui ne fait que passer. Ma présence supplante toutes les tragédies ou tous les bonheurs qui peuvent se produire. Chaque voyageur qui pénètre dans le hall de la gare se souvient de moi, en parle inévitablement à la personne qu’elle va rejoindre. J’alimente les conversations, je fais mon show, je donne du bonheur, j’assure l’animation malgré moi.
Le Week-end, je suis Prostitué. Travesti. Dans ma gare.
Domi
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