
La Dame-Pipi a vécu son existence
dans les toilettes de la gare,
un emploi réservé par l'administration
aux handicapées légères.
La Dame-Pipi donnait un jeton
contre une pièce de monnaie.
Elle a en vu passé des gens pressés,
qui s'engouffraient dans la cabine,
ressortaient avant de s'être rajuster.
sans un regard ni un mot
pour la Dame-Pipi.
D'autres désoeuvrés,
dans l'attente d'un départ retardé,
se soulageaient de leurs maux
auprès de la Dame-Pipi.
Que de confidences, que de secrets intimes
ont été confié à cette oreille avide!
Vers Paris, vers Biarritz, vers Toulouse,
ceux qui partaient au loin,
lui racontaient ces villes de rêve
que jamais elle n'a visitées.
Elle aimaient particulièrement
les familles du dimanche matin,
qui partaient sur le Bassin,
déjà en tenues de bain,
les enfants tenant fièrement
leur seau et leur pelle,
les rires, les appels joyeux.
Elle se régalait
attrapant au passage, une parcelle de bonheur,
offerts par ceux qui vivaient vraiment.
Jamais elle n'a voyagé
Jamais elle n'a quitté
la grisaille de son quartier.
Pourtant, de petits bouts entendus
en petits bouts regardés
La Dame-Pipi s'est composée
une vie rapiécée.
Françoise